Critiques

The Tomorrow War

Le pitch selon Allociné : « le monde est stupéfait lorsqu’un groupe de voyageurs arrive du futur (…) pour délivrer un message urgent : dans 30 ans, l’Humanité va perdre une guerre d’envergure mondiale contre une espèce d’aliens meurtrière venue détruire notre civilisation. Le seul moyen de survivre à cette attaque extraterrestre est de faire transporter des soldats et civils du monde d’aujourd’hui trente ans plus tard pour lutter contre cette invasion alien. Parmi les recrues, Dan Forester, père de famille et professeur au lycée, est déterminé à sauver le monde pour l’avenir de sa fille. Dan fait équipe avec une brillante scientifique et son père pour réécrire l’avenir de la planète. » Attention, critique prenant la forme d’une lamentation, et par conséquent (très relativement) courte et (assez) peu structurée : The Tomorrow War est une grosse [placez le qualificatif désobligeant de votre choix]. J’y suis entré en me disant « allez, n’attendons RIEN de ce truc, ça nous protègera au moins des mauvaises surprises »… mais il faut croire que tout le monde n’a pas la même définition de « rien ». Ainsi l’expérience m’a-t-elle été, malgré cela, pénible. Douloureuse. Déconcertante. Et la durée n’a pas aidé. 2h20… il faut vraiment que les Américains arrêtent avec les blockbusters interminables.

Allons-y quand même par thème

Quasiment rien ne marche, dans le film de Chris McKay, dont on était en droit d’attendre quelques bonnes choses de la mise en scène compte tenu de sa première réalisation, le Lego Batman – peine perdue. Passage en revue.

Chris Pratt, gars dont on reconnait sans mal le capital sympathie qui a fait son succès, est souvent en mode pilote automatique, dans ce film, c’est-à-dire qu’il fait de son mieux avec sa bonhommie coutumière dans l’exact même rôle que d’habitude, comme dans les Jurassic World, comme dans les films du MCU, et… ça s’arrête là. Il ne dessert pas le film, mais ne le porte pas non plus. Quand sa cote a explosé, certains ont osé le comparer à Harrison Ford ; pour l’instant, il n’a guère eu que l’assez réussi Passengers (2016) pour montrer qu’il savait jouer, et c’est encore trop peu.

Face à un film pareil, on pense avant tout à la promesse presque contractuelle d’effets spéciaux. Dans The Tomorrow War, il n’y a rien de problématique à signaler, du moins du point de vue technique… mais la mise en scène de McKay n’en fait rien, générique, artificiellement dynamisée, et atrocement overcutée dans les scènes d’action – un aveu d’impuissance –, qui ont des airs de cinématiques de jeu vidéo. Cette lourdeur est aggravée par a) la musique de Lorne Balfe, compositeur à la fois trèèèès prolifique et connu pour absolument RIEN de bon, hollywoodienne dans le sens le moins inspiré du terme ; b) une photographie sans profondeur digne des moins bons films du MCU, ce qu’on peut cette fois-ci qualifier de décevant car on doit également à Larry Fong celles de Super 8 et de Batman v Superman ; et c) un design d’extraterrestres sans inspiration que l’on peut résumer à un mix de clébard et de gros lézard (1). Accordons-leur néanmoins qu’à défaut d’être originaux, ils se caractérisent par une bestialité qui en fait des créatures de cauchemar plutôt correctes dans les moments de tension.

Vient alors l’idée de cette espèce de vortex fluo aspirant les personnages vers le ciel en guise d’expression visuelle du voyage dans le temps… et là, que dire sinon « non » ? Le fait que le scénario ne prend même pas la peine de (tenter de) l’expliquer rationnellement n’aide pas son cas. Attaquons-nous à lui, du coup. Dire que le scénariste Zach Dean a torché le boulot relève de la compassion christique. Florilège. La stratégie de l’état-major du futur est complètement naze : compter sur des gens d’âge mûr sans aucun entrainement et armés de pétoires dérisoires pour sauver le monde ne fait aucun sens, à rendre le débarquement du génial Edge of Tomorrow brillant sur le plan stratégique, en comparaison. Sa théorie du voyage dans le temps est un bordel sans nom – le héros n’y pige d’ailleurs plus rien à un moment très perplexisant du 2ème acte. La façon dont l’origine des bestioles est découverte sidèrera quiconque est doté de réflexion : il suffisait de demander à l’épouse du héros, voyons (Betty Gilpin dans un rôle sans intérêt) ! Ses personnages secondaires sont tellement ineptes qu’on n’imprime le nom d’aucun d’entre eux. Dernier exemple, cette infanterie/chair à canon qui rappelle Starship Troopers – les scènes d’action en extérieurs sont d’ailleurs pas mal pompées sur celles du film de Verhoeven –, au détail près que dans ce dernier, l’absurdité servait la SATIRE alors qu’ici, on nage dans un mélange de sérieux et de connerie assez déprimant. Quand un gars dit au héros, et seulement au héros, hein, que « le ventre ou le cou sont les seuls endroits vulnérables de leurs corps ! » alors que la bataille a déjà commencé : déprimant. Quand ils ne tuent pas la femelle extraterrestre à la seconde où ils ont trouvé la putain de toxine : déprimant. Le scénario tutoie des sommets de nullité dans sa dernière partie où le héros, dépité parce qu’UN gradé l’a ignoré alors qu’il avait LA solution pour sauver l’humanité (WTF, d’ailleurs), décide d’aller sauver ledit monde dans son coin, avec tout juste trois potes à lui, plutôt que d’aller voir d’AUTRES gens haut placés – parce que vous savez, ils pourraient peut-être réagir différemment, j’sais pas, moi. Et je ne consacrerai pas une troisième entrée au scénario pour parler du C4 qui dégomme bien soigneusement le glacier surplombant le vaisseau des bestioles. Nope.

The Tomorrow War ne surprend qu’à UN moment : quand on réalise que le personnage joué par la toujours superbe Yvonne Strahovski – Sarah Walker forever – n’est pas un potentiel « love interest » pour le héros mais sa fille. LÀ, on distingue un petit pic sur l’encéphalogramme, LÀ, l’attention est suscitée (cf. la confession sur la plage et les touchants « adieux » sur la plateforme, où elle comme Pratt font un bon boulot). Le deuxième acte, SON acte, est la seule partie du film devant laquelle je n’ai pas eu envie de me faire harakiri. Elle rend même l’expérience relativement agréable à quelques moments, et vaut au film son point. L’actrice et son personnage sont LE SEUL élément du film dont émane un vague quelque chose aux airs de schmilblick, aux airs de truc qui sert à quelque chose, une vague personnalité, un lointain battement de coeur, par la seule force de sa performance. Le film ne s’en montrera dans l’ensemble pas digne, évidemment, mais entre son twist (la révélation qu’elle est la fille), qui n’arrive qu’au bout d’UNE HEURE (sic), et sa mort, aux alentours de la quatre-vingt-dixième minute, oui, The Tomorrow War sera tout à fait regardable. Soit une demi-heure sur un film de deux heures et vingt minutes. Ce dernier ne propose qu’un ou deux moments de cinéma, et les quarante dernières minutes n’en compteront qu’UN : la scène où père et fils se retrouvent dos-à-dos, dans le blizzard, dans l’attente de l’attaque de la reine. En bref, bien trop peu. Pourquoi t’es pas arrivée plus tôt et partie plus tard, Yvonne ?

En dehors de ça, c’est le zéro pointé. Tous les clichés du monde y passent, du Renoi-ressort comique comme c’était déjà ringard dans les années 90 au rabibochage père-fils grossièrement prévisible (gros gâchis de J. K. Simmons), en passant par la gamine forcément adorable et super-futée (air connu), les cocons extraterrestres de la couleur habituelle, le coup du troufion de base qui n’est là que pour clamser puisque comme chacun sait, seuls les protagonistes savent viser, ou encore le « on a besoin d’un pilote qui serait prêt à faire l’impossible ! ». Quand même bien pratique, d’avoir un père pilote avec qui se rabibocher, non ? Avec ça, le film monte de plusieurs crans sur l’échelle d’Emmerich. Du coup, à l’exception du coup de la fille, on voit tout venir à dix mille kilomètres, et même si ce n’était pas le cas, quand tombe la vérité sur l’origine des bébêtes, eh bien… on s’en fout un peu, en fait. Oui, c’est ça, on s’en fout un peu.

Le mauvais augure des plateformes 

J’ai cité Edge of Tomorrow. Hormis le twist de la fille, The Tomorrow War, c’est Edge of Tomorrow, en nul. Tout ce qu’est le film de Doug Liman, réalisateur que je ne sanctifie au demeurant pas, le film de McKay tente de l’être, et se vautre royalement. Mélange adoré par les Amerloques de déluge de CGI imbitables et de drame familial bien neuneu, le film de McKay est le plus spectaculaire archétype du blockbuster d’action contemporain, calibré par des gens sans talent, et encore, je dis des gens, le scénario aurait tout aussi bien pu être conçu par un algorithme. C’est un produit préformaté de l’ère des plateforme qui fait dire : « je SAIS que les cinémas ont de tout temps projeté des blockbusters hollywoodiens pourris, ET POURTANT, malgré le budget, malgré le casting, quelque chose dans ce film crie qu’il n’aurait rien eu à foutre dans une salle obscure ». Peut-être suis-je influencé par mon a priori négatif vis-à-vis d’Amazon ? Je ne pense pas. L’ère des plateformes conduit lentement, mais sûrement, à une banalisation du film qui devrait effrayer tout le monde. Non seulement la qualité moyenne de leurs productions est très basse – c’est ce qui arrive quand un vendeur de frigos se prend pour la Metro-Goldwyn-Mayer –, mais en plus, leurs quelques bons films sont des non-événements, objets de consommation sitôt vus, sitôt ensevelis sous l’avalanche continue de nouveautés, phénomène aussi délétère que la culture du binge-watching. Et Amazon vous dira que leur film est un carton, mesuré sur la base du nombre de minutes passées à le voir du coin de l’œil sur son écran, en même temps qu’on tape un SMS. La nouvelle façon de consommer le cinéma.

Sans vouloir faire mon vieux débris, je me souviens d’un temps où un film à 200 millions de dollars de budget était un événement, comme Titanic – à réajuster selon l’inflation, je sais. Où chaque dollar sautait aux yeux, comme dans The Dark Knight, avec ses 233 millions réajustés. C’est faire son vieux débris, ça ? Faites-moi un procès.

Le wokisme comme coup de grâce (mais JUSTE ça, hein !)

J’avais failli oublier : histoire de s’enfoncer un peu plus profondément dans les abîmes de mon appréciation réactionnaire, The Tomorrow War est d’un degré de wokisme assez douloureux. Le film semble avoir été produit dans une dimension parallèle où la population américaine est, allez, à 68% black, et où pratiquement toutes les figures d’autorité militaire du pays sont des femmes (surreprésentation = discrimination). Là aussi, je croyais être prêt à l’inévitable dose d’inclusivité, connaissant la sinistre obsession identitaire de notre époque et étant au courant de l’annonce récemment faite par Amazon de sa nouvelle politique d’inclusivité. Je ne l’étais pas. Le film de McKay est la confirmation que la plateforme a de quoi battre Netflix dans ce domaine. Au bout d’un moment, j’ai fini par trouver ça hilarant tellement c’était énorme. En plus du héros, on compte, en tout et pour, tout TROIS mâles blancs dans des rôles parlants, dont un est le gros incapable de l’escouade qui se fait zigouiller en trois minutes, l’autre la seule figure d’autorité négative, et le dernier… le père du héros – ils étaient un peu forcés, là…

Cette couche de propagande vertueuse mise de côté, je qualifierai The Tomorrow War de divertissement vaguement regardable un samedi soir grâce à son deuxième acte où la sauce prend un minimum, la performance impliquée d’Yvonne Strahovski, et ses bestioles pas mal fichues. Ladite couche prise en compte, le film est une grosse [placez le qualificatif désobligeant de votre choix] à éviter, même un samedi soir, même du coin de l’œil, même en tapant un SMS. La vie est trop courte. Merde, pourquoi j’ai pris le temps de taper cette critique, dans ce cas ? Sale époque.

Notes

(1) Au passage, pourquoi les extraterrestres sont-ils OBLIGÉS d’être hideux quand ils sont une menace, déjà ? C’est quoi, la logique ? On connait la raison. Mais la logique est pourrie.

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