The Rental (+ vlog)
Le présence d’une actrice qu’on aime dans un film, ça peut transformer en demeuré. Que dire ? L’auteur de ces lignes y a cru, à ce film. Il y a des moments, dans la vie d’un cinéphile, où ce dernier a envie de croire. Et généralement, vaut mieux pas. Leçon reçue. C’est l’histoire d’un petit film, sorti fin juillet 2020 en VOD anglophone, et qui n’aurait sans doute JAMAIS atteint nos côtes si le COVID n’avait pas génocidé l’été cinématographique : The Rental, premier long de James Franco, à la base frère de Dave Franco, bôgosse établi, et acteur tout juste potable. Le pitch ? Désireux de fêter un récent succès professionnel, Charlie et Mina, deux partenaires en affaires avec de très beaux cheveux, décident de passer un week-end dans un Airbnb de luxe, avec vue sur l’océan et tout le tralala, accompagnés de leurs partenaires respectifs, Michelle et Josh. Premier problème : Charlie et Mina s’entendent UN PEU TROP BIEN. Deuxième problème : le frère du proprio est un affreux raciste. Troisième et dernier problème : on les observe… qui donc, « on » ? En gros, tout cela va mal finir, à cause de l’infidélité, à cause du racisme, ou à cause du « on ».
Lien vers mon vlog consacré à The Rental
Alors. D’abord, la partie sans spoiler de la critique : The Rental est tout pourri. Voilà, c’était la partie sans spoiler. Et ça s’arrête là, parce que ladite critique s’adresse surtout aux malheureux qui ont déjà vu le film et aux cinéphiles atteints de curiosité morbide qui se moquent des spoilers.
Deux mots : Alison Brie
Mais avant les spoilers, cartes sur table, pourquoi j’ai donné sa chance à The Rental en y croyant à fond alors que je n’aurais CERTAINEMENT PAS dû. Oui parce que bon, j’ai beau me risquer occasionnellement à mater des petits films qui n’ont l’air de rien, jamais je n’aurais donné sa chance à The Rental… sans Alison Brie, que j’ai découverte il y a dix ans avec la cultissime sitcom Community (ci-dessous, à droite). Certains amis me reprochent d’accorder trop d’importance aux actrices, dans mes critiques. C’est vrai. Il y en a des dont la plastique m’ensorcelle à un tel point que cette chaîne devrait dans ces moments s’appeler non pas Full Metal Critic, mais plutôt Full Metal Tri… hum. Mais attention, zéro intérêt pour les bimbos, hein ; c’est pourquoi j’assume complètement ce fétichisme. Me reprocher de parler d’une actrice dans un film, c’est un peu comme reprocher à quelqu’un de parler des riffs de guitare dans sa critique d’un album de Metallica. Au rayon cinématographique, Alison Brie est un de mes riffs de guitare préférés. Je reviendrai sur elle à la toute fin.
Recette intrigante, ingrédients nettement moins
The Rental est à la fois un petit long tourné entre amis pour une bouchée de pain et quelque chose d’assez aventureux pour une première fois : une conjugaison de trois genres, résumable à 35% de drame relationnel, 50% de thriller paranoïaque, et 15% de « slasher », pour films de tueurs en série. Trois genres très différents, créant ensemble un déséquilibre sur lequel comptait clairement jouer James Franco. Pourquoi pas, Jimmy ? L’idée de passer d’un genre à l’autre et de désarçonner le spectateur avec ça n’est pas problématique en soi. Ça ne m’a pas dérangé dans le Sunshine de Danny Boyle, où l’on passait presque sans transition d’odyssée spatiale à survival limite horror. Seulement, dans The Rental, ce petit exercice n’a pas pour effet de désarçonner le public… puisque le film est écrit n’importe comment. Et que ça ne fera qu’empirer à mesure que le film déviera vers le « slasher ». Parce que même quand la recette est maîtrisée, encore faut-il que les ingrédients soient de qualité.
Contrairement au dernier acte, la première partie, qui pose l’atmosphère et développe un peu ses personnages, est regardable… tout en n’ayant qu’UNE seule, vraie, plus-value, la relation ambiguë entre Charlie et Mina – bien que les deux acteurs en fassent des tonnes pour vendre le fait qu’ils s’entendent bien mieux qu’avec leurs partenaires respectifs (« Ah mais qu’est-ce qu’on est les meilleurs amis du monde, pas vrai, Bobby ? » « Ah c’est clair Cindy, là j’ai trop envie de te serrer la main et de te payer une bière ! »). Et encore, leur « moment d’égarement » dans le jacuzzi arrive trop tôt, tout comme la vidéo de leur infidélité leur apparait trop tôt, ne laissant pas vraiment le temps à la situation de se développer, mais bon, ça marchotte quand même. Pour encore quelques minutes. Les sabots du scénario de Franco et Joe Swanberg sont lourds, utilisant l’idiotie d’un personnage comme procédé narratif, affligeant l’ensemble de leurs personnages de caractérisations faiblardes, Jeremy Allen White (de Shameless) étant le premier à en faire les frais… Grossière sera également la fausse piste qu’est l’affreux raciste, qu’on sera censé prendre pour le tueur, puisqu’il est… euh… raciste ?
Si The Rental a une dimension « slasher », sa dynamique narrative le rapproche moins d’un Vendredi 13 que d’un thriller à la You’re Next où l’identité du tueur est un mystère destiné à être éclairci. Le genre de film dont on espère qu’il nous surprendra à la fin. Cet accord tacite entre le public et ledit genre n’est ici pas respecté. Oui, The Rental surprend, à la fin… par le fait qu’il ne s’y passe rien. Ce n’est pas que Franco prend son temps avant de révéler ses cartes, non… il n’a juste pas de cartes. On a l’impression qu’il s’est simplement dit, à un moment… « Ouais, non, en fait, c’est super chiant, cette espèce de huis-clos d’auteur que je suis en train de faire avec ses bourgeois qui s’emmerdent, il m’faut un truc original, là, un qui va retourner les cerveaux et leur montrer que je suis un winner ». Sauf que non, Jimmy. Non. Ok, il y a UN domaine où il est clairement un winner : au moins un bon quart de son casting, auquel il est marié. Hélas ! Il est souvent dit que quand un acteur passe à la réalisation, on est au moins sûr d’avoir des acteurs bien dirigés, mais avec The Rental, il n’y a même pas grand-chose à voir de ce côté, puisqu’il n’y a pas eu grand-chose à jouer. Ni pour le pourtant très charismatique Dan Stevens, de Legion, ni même pour Brie, dont le rôle ingrat lui demande d’être mignonne la plupart du temps et de faire la moue vers la fin ! Gné ?
De la nécessité d’un propos
Quand un film laisse perplexe parce qu’il part dans tous les sens, une bonne manière d’y retrouver ses petits est d’identifier son propos. Mais tous les films n’ont pas un propos. Prenez… tenez, The Rental, par exemple, qui n’a rien à dire. Le dernier acte meurtrier est, en substance, déconnecté de ce qui précède : ni le racisme bien ostentatoire de l’affreux raciste, ni la disharmonie des deux couples, ni le thème de l’infidélité, ni le passif bagarreur du frère cadet, ni rien d’autre n’entre rétrospectivement en écho avec les agissements du tueur. Ce dernier, fort de sa SEULE caractéristique qu’est son voyeurisme, filme nos protagonistes. Ces derniers auront-ils droit à une bonne leçon sur leurs péchés respectifs ? Nope. Examinons le titre, « The Rental »… la location… parlerait-il du danger de ne pas être propriétaire de son habitat ? Mieux : est-il à l’Airbnb ce que Les Dents de la Mer fut aux bains de minuit ? Toujours nope. Michelle croit soudain distinguer en Charlie un profil de serial trompeur. Rapport avec la choucroute ? Aucun. La pire piste survient dès le trajet en voiture, quand l’affreux raciste est soupçonné de racisme parce qu’il a accepté de louer la villa à Charlie alors qu’il avait recalé Mina MUHAMMADI (sic) : in fine, le gars s’avèrera bel et bien raciste… mais étant donné que c’était qu’une fausse piste, apport : zéro. Le spectateur qui en veut pourra toujours en sortir conforté dans sa détestation de ces baraques américaines recouvertes de fenêtres et dont n’importe qui peut observer l’intérieur (merci, Scream, pour ce traumatisme salutaire)…
Au risque d’insister sur le côté profondément portnawak de l’entreprise, The Rental ne semble même pas chercher à faire sens. Franco semble avoir raisonné uniquement en termes d’ambiances et de plans. Du coup, quand son rôdeur-mateur-tueur passe à l’action, il ne lui reste rien. Juste un très mauvais film de peur.
Même pas peur
Et dire que la promo avait mis l’accent sur cet aspect du film… ! Le plus triste, c’est que les indicateurs du drame à venir qui parsèment les deux premiers tiers de The Rental ne sont même pas dégueu. En bon petit réa d’un premier film, Franco s’amuse avec sa caméra, ce dès la première scène où il filme Dan Stevens de derrière un mur vitré, l’enfermant dans un cadre… il a choisi, avec son chef opérateur Christian Sprenger, une photographie aux couleurs froides, qui pose elle aussi le ton d’entrée de jeu – elle fatiguera hélas par la suite à force d’être trop sous-exposée (j’ai dû hausser la luminosité de certains snapshots illustrant cette critique, mes excuses…). On lui reconnaîtra un certain talent à installer une petite tension, sans trop de chichis visuels. Hélas, quand vient le moment non plus d’inquiéter mais de faire peur… The Rental n’effraierait même pas un cochon d’Inde. Tous les clichés y passent, on a quelques « jump scares » dignes d’un film de fin d’études… on a le coup du tueur observant de derrière un arbre des tourtereaux dans leur jacuzzi, avec un gros bruit de respiration laissant entendre qu’il n’a pas tiré son coup depuis un moment et porte ÉVIDEMMENT un masque… qui se révèlera par la suite un des plus nuls du cinéma d’horreur, au passage… et à la fin, évidemment, ce petit monde se séparera au nom, notamment, de ce ridicule moteur narratif qu’est la quête de la vidéo incriminante ! Le fond sera touché quand Michelle découvrira cette dernière, lancée à l’instant par le tueur dans une pièce adjacente, et se focalisera sur le contenu de la vidéo plutôt que sur le fait que quelqu’un vient de lancer cette dernière, quelqu’un qui se trouve donc très probablement dans les parages, quelqu’un qui représente peut-être, je ne sais pas, moi, un DANGER… ?
Tout manque de saveur, jusqu’à la musique de Danny Bensi et Saunder Jurriaans, alors qu’on doit aux deux compères la symphonie tétanisante de l’incontournable documentaire LA 92 ! Je pense que le résultat final ne les a juste pas inspirés mais qu’ils étaient sous contrat. C’est dur, la vie.
On revient alors à cette NON-fin. Tout ça pour quoi ? Autre hypothèse : peut-être Jimmy, insatisfait de son histoire de bourgeois qui s’emmerdent, a-t-il sorti de son chapeau un tueur pour boucler son film en pensant que ça allait passer ? Imaginez Stendhal faire ça avec Le Rouge et le Noir : alors que Julien Sorel et sa bien-aimée Louise s’interrogent sur l’avenir de leur liaison, BOUM, un tueur en série débarque et les pauvres il leur décapite la tête. Voilà, c’était l’idée… Certains défenseurs du film joueront la carte The Strangers, ou des gentils se font zigouiller par des méchants sans qu’on ne sache jamais ni qui, ni pourquoi. Ça passait bien avec ce film, non ? Seulement, d’une, The Strangers n’est pas déguisé en pseudo-intrigue à énigme, son récit est cash ; et de deux, Bryan Bertino avait au moins, dans son sac, quelques tours de flippe mémorables.
Même pas fun
Quand une série B d’horreur est ratée car mal écrite, elle peut toujours se rattraper en racolant comme une malade, avec des scènes de cul bien ostentatoires, du sang qui gicle de partout… éventuellement du sang qui gicle PENDANT une scène de cul bien ostentatoire… ici, vous aurez l’inverse : le film de Franco est d’une pudibonderie assez saisissante, considérant qu’il avait à sa disposition Alison Brie (qui, ci-dessous, se demande pourquoi ils n’en sont toujours pas au gang bang), et que celle-ci n’a aucun problème à se dévêtir. Amateurs du genre, vous n’y verrez, tout au plus, qu’un centilitre d’hémoglobine et un aperçu de décolleté. Les meurtres seront soit hors-champ, soit entraperçus. La scène de la douche entre Charlie et Mina, complètement censurée par une buée putride, m’a donné l’impression de regarder un porno japonais des années 80, où une sorte de disque de floutage occupait la moitié du cadre. Et certains, sur l’interweb, semblent lui trouver quelque chose de sexy ? C’est plus déprimant qu’autre chose. Et pas du bon déprimant.
Bref.
Soyons honnêtes, si The Rental n’avait pas été réalisé par le frère de Dave Franco et n’incluait pas une des actrices les plus sexualisées sur le web à l’heure actuelle, personne n’en parlerait. Je boucle la boucle en revenant sur cette dernière. Qu’est-ce que tu glandes, Alison ? Dix ans, que j’attends le grand tournant hollywoodien de ta carrière – parce que côté télé, tu continues d’assurer, avec GLOW – et le mieux que t’as pu faire, c’est Sleeping with other people ? Et plus les années passent, plus ton talent est gaspillé dans des films qui ne te méritent pas (Save The Date, The Five-Year Engagement, Get Hard, How to Be Single, The Little Hours…) ? J’vais pas attendre cent-sept ans, Alison, j’te l’dis, moi. Sérieusement. Vous voulez une blague ? Son petit Jimmy de mari a évoqué l’idée d’une SUITE à ce film. Soit une suite à une des pires fins de l’histoire du cinéma récente. Oh, j’imagine qu’y moyen, puisqu’à la fin, le tueur, toujours anonyme, change de crèmerie pour aller filmer d’autres gogos dans leur intimité. On se demande bien ce qu’il pourra leur faire…