Critiques

The Flash

Pitch du film présentement critiqué, selon Google : notre superhéros Flash « utilise ses superpouvoirs pour voyager dans le temps afin de changer les événements du passé… cependant, lorsque sa tentative de sauver sa famille modifie par inadvertance l’avenir, il se retrouve piégé dans une réalité dans laquelle le général Zod est revenu, menaçant l’anéantissement ». Ouais, c’est comme ça que finit le pitch. Ça menace l’anéantissement. Traduction automatique ? Nosé. En tout cas, c’est digne du film. En trois mots : c’est l’cirque. Et ça le restera jusqu’au bout. The Flash commence un peu n’importe comment, avec un attentat terroriste archi-générique qui conduit carrément à la destruction live d’un hôpital – l’ère Marvel aime le boum-boum XXXL –, une opération de récupération en slow-mo de bébés en CGI qui tâchent, et un petit tour de batmoto pour Batfleck histoire de mettre un peu paresseusement dans le bain du DCEU. Cette dernière partie, scène de course-poursuite déjà vue 40 000 fois à laquelle le réalisateur Andy Muschietti insuffle suffisamment d’énergie pour la rendre divertissante, n’augure de rien de particulièrement mauvais. On est un peu plus circonspect face au coup des bébés volant, mais c’est interprétable comme une façon d’annoncer au public l’originalité, l’irrévérence, et les couleurs chatoyantes du spectacle à venir, autant dire celles du Flash. Certains voient déjà dans le portnawak un inquiétant bulletin météo ; d’autres, une excitante ouverture du champ des possibles, impatients de voir ce que le film va faire de cette positive attitude. Après tout, c’est ce qu’espère une partie du public, celle qui a gobé les promesses de la promo : accrochez-vous les gars, ça va partir dans tous les sens, et vous prendre par surprise dix fois, vingt fois, et puis y aura aussi un peu de méta… en gros, vous allez voir le film de superhéros DE VOTRE VIE.

Parce que oui : début 2023, la Warner, dont le département marketing n’a cessé de briller d’ingéniosité au fil des années pour donner des airs de chefs-d’œuvre à des merdes intersidérales (Suicide Squad, Wonder Woman 1984, Justice League), ou du moins d’amères déceptions (Batman v Superman), s’est mise en tête de survendre un film dont tout le monde se foutait jusqu’alors… et ça a donné une promo étonnamment vendeuse au point de porter très, très haut les attentes du « fandom », à un point potentiellement dangereux pour l’équilibre psychologique de certains. D’aucuns remarquaient, parallèlement à l’hyper-énergie et aux formidables accompagnements musicaux des bandes-annonces, le manque de profondeur de la photographie et l’inégalité des CGI, mais peut-être les seconds attendaient un travail de fignolage supermassif ? Problème : on comprend très tôt que la promo montrait le produit fini. Et qu’en matière de tonalités et de colorimétrie, on va bel et bien avoir quelque chose de plus proche de Justice League version ciné que de la Snyder cut – j’ai bien dit « plus proche », on est très loin de la funeste scène d’échange entre Lois Lane et Martha Kent à la rédaction du Daily Planet. Et à la fin de cette entrée en matière, le caméo super-cheap de Gal Gadot en Wonder Woman, forcément accompagné de son thème musical, vient conforter une autre crainte : peut-être le spectacle ne va-t-il pas être SI original que ça.

L’aperçu d’un film qui se serait tenu

Ça continue cependant sur un sympathique air de film de superhéros classique qui aurait dû être celui du film dans son entièreté, en fait : Barry Allen s’adonnant à ses petites affaires de superhéros, occasionnellement conseillé par Bruce Wayne (ci-dessous, Ben Affleck en mentor flegmatique) comme Peter Parker l’était par Tony Stark dans la trilogie Spider-Man de Tom Holland… une partie brève mais satisfaisante donnant une idée convaincante de ce qu’aurait été un « solo movie » avec Ezra Miller en lead, car l’acteur, quoiqu’on pense de cette tête de nœud, est impeccable dans le rôle. Les gags tombent un peu à plat, mais lui, fait le show, et l’on espère que l’inspiration va vite tomber des cieux pour vraiment s’amuser.

En parallèle se définit l’enjeu dramatique du film : Barry a beau s’être trouvé, tant bien que mal, au fil des épreuves qu’il a surmontées, il a beau donner un sens à sa vie en sauvant l’innocent et rendant justice dans son costume de superhéros, et il a beau susciter l’intérêt de la charmante Iris West… il ne s’est jamais vraiment libéré de son passé. Son père est toujours en prison, et sa défunte môman, ben, toujours défunte. Et ça le travaille, ça le travaille à mort. Or il SAIT qu’il peut y faire quelque chose. Et le spectateur SAIT, de son côté, qu’il VA le faire… et merder grave par la même occasion. Bon programme, non ?

Sous une avalanche perpétuelle d’humour crétin

C’était le programme, oui. Ça continue donc joyeusement sur le mode de l’aventure spatiotemporelle, mais la question est : celle-ci va-t-elle merder aussi grave que Barry Allen ? Et la réponse est : presque. le gars perd son superpouvoir dans le processus. Dur. Ignorons le fait qu’on nous a déjà fait cent cinquante fois le coup du superhéros forcé à s’en sortir sans privilège magique – peut-être est-ce mieux amené dans le comic, rien à secouer. Non, plus problématique est qu’en même temps, un AUTRE Barry Allen acquiert lesdits pouvoirs : celui du passé. Ce qui signifie… DEUX Barry Allen joués par Ezra Miller. Oui, l’acteur est impeccable dans le rôle… mais The Flash a exigé davantage de lui. Tout en ce monde est affaire de dosage, et le dosage est primordial, avec un comédien fantasque, dans un rôle haut en couleurs. Sans compter que tout le talent du monde ne sait mettre à l’abri d’un scénario de merde. Entre les mains de Joss Whedon, Justice League avait montré combien l’overdose de Flash est aisée à atteindre, et Snyder avait montré how it’s done avec sa Snyder cut. Deux Ezra Miller/Barry Allen ne pouvaient fonctionner QUE si Muschietti et sa scénariste, Christina Hodson, à qui l’on devait déjà le calamiteux Birds of Prey entre autres scénario pourris, n’étaient PAS à la ramasse… or ils l’ont été. La direction d’acteurs est chaotique… les dialogues souvent médiocres… aussi Barry #2, que Miller joue comme un adolescent hystérique (ci-dessous, Barry #2 ne pigeant pas qu’on essaie de l’enterrer vivant sous des coussins), atteint-il très vite les frontières de l’exaspérant. Barry #1 lui reprochera même de parler bieeeeen trop souvent, comme si la scénariste avait voulu s’excuser d’avance…

Le pire, pour revenir à la perte du pouvoir, est que ça n’en vaut même pas la chandelle : Hodson a apparemment cru que la juxtaposition de Barry #2 découvrant le pouvoir du Flash, chose qu’on n’a certes jamais vu avec Ezra Miller dans le rôle, et de Barry #1 blasé par la vie, donnerait quelque chose de fascinant… mais pour cela, il aurait fallu qu’elle évite de plomber son récit d’un gag toutes les trois lignes. On réalise durant cette partie qu’en terme de tonalité, The Flash est foutu d’avance : le DCEU des années 2010, traumatisé ET par le sombre héritage de Snyder, que la Warner veut clairement ranger dans un tiroir, ET par le succès du MCU, aura jusqu’au bout singé ce dernier, ici dans son fameux surdosage humoristique. L’air est tristement connu : avec son trait d’humour foireux par seconde, The Flash flingue dans l’œuf 90% de ses moments dotés d’un tant soit peu de potentiel dramatique. Tout ça pour rien. Façon de l’univers de rappeler aux studios qu’ils devraient laisser l’écriture de leurs comédies superhéroïques à James Gunn (Les Gardiens de la galaxie pour Marvel, The Suicide Squad pour DC, what else ?), peut-être.

Quand on a ce qu’on attendait…

Le récit finit heureusement – enfin, après trois-quarts d’heure d’attente quand même – par nous conduire à ce qu’attendait tout le monde : Michael Keaton en Batman. Vous trouviez que Spider-Man : No Way Home en faisait des tonnes dans le fan service avec ses multiples résurrections de méchants cultes ? D’une certaine façon, The Flash en fait encore plus. Ce n’est pas une grande surprise : la performance de l’acteur et ses apparitions plus ou moins chocs dans son costume de 1989, arguments de vente premiers du film, s’imposent tels quels, d’autant plus que Keaton, contrairement à Miller, n’est pas plombé par la blagounette minute susmentionnée. Comme le rappelait Birdman en 2014, il a les yeux et la voix faits pour ce type de rôle… la Warner a foiré son coup en remerciant Burton après Batman Returns. Enfin, le gars est cool, cool au point de faire passer la périlleuse scène d’explication du multivers avec un plat de spaghettis. Pour la génération Y, à quelques honteuses exceptions, c’est lui, Bruce Wayne. Et ses gadgets actualisés sont une précieuse source de réjouissances, lorsqu’on se tape le film.

La participation de Bruce Wayne conduit assez vite à l’AUTRE argument de vente bien mis en avant sur les affiches : Kara Zor-El. Là aussi, quelque chose de convaincant se produit. Peu importe qu’elle ne ressemble pas à la Supergirl classique contrairement à l’insipide blonde de la série éponyme de CBS… qu’il est préférable d’éviter comme la peste bubonique : la très charismatique Sasha Calle porte dans son regard grave la tragédie d’un personnage dont on veut savoir plus, qu’elle soit en costume ou pas, et quand elle EST dans son costume, dont la part accentuée de rouge renforce son effet dramatique, force est de reconnaître qu’elle en jette, comme disent les jeunes. La scène où elle sauve Barry sous une pluie battante (ci-dessous) est un des rares moments véritablement forts du film en matière de mise en scène et d’esthétique. Je ne suis pas lesbienne, mais comprendrais totalement qu’elle devienne une icône.

… mais que ça ne le fait quand même pas, partie 1/2 : La forme

Seulement… seulement. On arrive alors au grand climax guerrier annoncé dans la promo, le clash contre le glorieux général Zod de Man of Steel (sorti il y a déjà dix ans, mamma mia), interprété par nul autre que le grand Michael Shannon, et là, patatras. La production n’a pas pu le faire revenir pour RIEN, se dit-on, c’est le général Zod. On a même droit à sa seconde, Faora-UI, toujours jouée par la sculpturale Antje Traue, qui a toujours été pour moi l’acte manqué de MoS car Zack Snyder a exploité le dixième de son potentiel, préférant passer l’imbitable dernier tiers de son film à faire exploser des trucs plutôt que de la développer – d’autant que sa technique de combat était absolument spectaculaire. C’était l’occasion pour le DCEU de se faire pardonner, non ? Non. La première castagne de Kara, où ladite technique est utilisée, a d’ailleurs démontré que Muschietti n’est PAS Snyder…

Donc, patatras. Premier problème : le spectacle est parfois d’une laideur surprenante. Les pessimistes avaient vu juste, autant certains CGI sont tout à fait réussis – la présente critique ne rejoindra pas le chœur des exécuteurs et louera même la gueule qu’a le vol conjoint du batwing et de Kara, par exemple –, autant d’autres sont aussi catastrophiques que le laissait craindre la promo, que ce soit ce plan où Supergirl et les deux Barry atterrissent en plein champ de bataille face caméra (ci-dessous), ou l’hideux festival de courants électriques jaunes et bleus que produit l’association des deux Barry – quoique là, la faute est davantage imputable à la direction artistique. Un peu plus tôt, nos yeux ont un chouïa souffert de la représentation visuelle du voyage interdimensionnel, dont nombreux critiques ont taillé les graphismes de PlayStation première du nom, et dont Muschietti a vainement tenté de justifier l’apparence. On a vu ce que ce dernier a voulu faire avec ce tourbillon des enfers aux promesses trompeuses… ça n’a juste pas marché. Et pourtant, peut-être cette approche cartoonesque aurait-elle été excusée si le RESTE des CGI avait été réussi. On aurait mis cela sur le compte d’une direction artistique peu inspirée plutôt que de l’incompétence globale. Mais patatras. Le reste n’a été que très, très modérément réussi, et le climax guerrier, pas vraiment.

Même les plus zélés défenseurs du film – dont moults youtubeurs subventionnés – ont un embarrassant point commun: rares sont leurs louanges qui concernent ses scènes d’action. Quoi, pas d’équivalent de Peter Parker stoppant un train de NYC dans Spider-Man 2, de Tony Stark sauvant l’équipage d’Air Force One dans Iron Man 3, de la scène de l’ascenseur dans Le Soldat de l’hiver, du climax de X-Men : Days of Future Past, ou, pour choisir un exemple plus familier, de l’affrontement à Smallville entre Clark Kent et Faora dans MoS ? Ce genre de choses ? Nope, puisque patatras, bordel ! Ce n’est pas seulement une question de manque d’idées, mais aussi d’une carence de savoir-faire. Muschietti avait déjà montré ses limites dans son reboot de Ça, dont les scènes intimistes entre adolescents étaient plus réussies que les scènes de monstre. Sur The Flash, il a juste été dépassé (rétrospectivement, on se prend à rêver de ce qu’aurait fait le Sam Raimi de la grande époque de la scène des bébés volants). Le seul moment d’action satisfaisant est le sauvetage de Kara en Russie (ci-dessous), mentionné plus haut, où 1989 Batman fait son show, et où la gestion de l’espace et le sens esthétique du réalisateur ont été mieux exploités… mais on parle de la scène d’action la moins XXXL du film. Quand Muschietti a dû faire dans l’XXXL, ça a donné… la catastrophe qu’est cette grande scène de bataille dans le désert de Mojaves, dont le plantage des CGI a été évoqué plus haut. Une scène rappelant a) combien un désert uniforme sous un ciel dégagé est l’idée de cadre la plus pourrie de l’histoire, du moins pour ce genre de scènes, et b) combien Zack Snyder sait filmer l’action, que l’on soit sensible à son cinéma ou non.

… mais que ça ne le fait quand même pas, partie 2/2 : Le fond

Le second problème, en raison duquel même les effets spéciaux les plus prestigieux et les scènes d’action les mieux troussées du monde n’auraient pu sauver The Flash, est que ce dernier s’est foutu royalement de ce « qu’attendait tout le monde ». Le film s’est foutu de Kara/Supergirl, qui a finalement droit à quoi, un très chétif quart d’heure d’antenne qui parait cinq minutes ? Un quart d’heure dont la partie filmée de près a une sacrée gueule, certes, le coup des yeux crachant leurs lasers rouges fait toujours son effet (oui parce que rien à battre de la Sasha Calle en pixels), mais… un chétif quart d’heure, vraiment ? Et à la fin… elle crève, fermant a priori la porte à un futur film Supergirl qu’on était déjà prêt à aller voir, avec elle à l’écran ? Non, le fait qu’elle meure n’est pas mauvais en soi… mais c’est décevant. Le film s’est foutu de Batman, même celui de Michael Keaton, qui casse sa pipe lui aussi, peu importe la disposition de l’acteur à participer de nouveau à l’univers DC ! Sérieusement ? Double-nah. Oui, Barry #2 tente de les sauver… mais le truc, c’est qu’il le fait pour ce qu’ils incarnent, et non pour qui ils sont. Parce qu’au fond, ils sont de vulgaires outils scénaristiques aidant le protagoniste à accepter le fait qu’il ne peut changer le passé, et donc à faire son deuil de môman. Ce « qu’attendait tout le monde », dans The Flash, est… annexe, faiblement connecté à la dramaturgie du film, et sans lien direct avec son enjeu. Le film s’est d’autant plus foutu de Zod, qui a droit à trois gros plans sous son casque d’astronaute et deux répliques déjà entendues dans la promo, et de Faora-UI, qu’on distingue à peine – vous devinez ma satisfaction. Tout cela n’a servi à RIEN, sinon à divertir une demi-heure, puis frustrer les fans de MoS qui attendaient quelque chose de substantiel de ce retour, une relecture, quelque chose, puis les fans de 1989 Batman, qui espéraient y voir PLUS que du fan service. De ce fait, les morts expédiées de ces personnages n’ont pas de réel impact. Ce n’est seulement la mort du personnage de Kara qui est expédiée, c’est le personnage lui-même.

(NdA : que quelqu’un ose me dire que je suis le seul à penser à autre chose qu’au sens du S face à ce plan.)

Christina Hodson pas su quoi raconter. On parle du comic Flashpoint, qui a l’air super-culte, j’ignore dans quelle mesure le film lui ressemble, mais là encore, rien à secouer, tout ce qui importe se passe à l’écran, et tout ce qui se passe à l’écran dit qu’elle s’est plantée. Au lieu de choisir UNE histoire à raconter en bonne et due forme, celle du voyage intime d’un Barry à la recherche du deuil de sa mère à l’occasion duquel il aurait réalisé les dangers du voyage dans le temps – vu et revu là aussi, mais peu importe –, elle a décidé de nous en raconter une poignée, en ajoutant le retour d’un Batman sexagénaire prêt pour un dernier baroud d’honneur (alors qu’il méritait un film), l’apparition d’une ex-future Supergirl à l’origin story tragique et au charisme indéniable (alors qu’elle méritait un film), le retour du culte Zod sur une Terre dénuée de méta-humains… pitch qui méritait au moins une bonne moitié de film… elle a bien secoué le tout en espérant que ça donne quelque chose d’imprimable… et elle s’est plantée. Au lieu de nous proposer une histoire chiadée, elle nous en a proposé une poignée bâclées. On a l’impression que la Warner, incertaine du potentiel de son superhéros, s’est sentie obligée de l’entourer ! Et le pire, c’est que même l’intrigue du deuil échoue à satisfaire : on est très content de revoir la radieuse Maribel Verdu (aaah, Le Labyrinthe de Pan !), et on apprécie ses tendres scènes avec Barry, qu’il ait la forme d’un adorable petit garçon fort bien casté ou celle d’un Ezra Miller transi… mais Muschietti et Hodson ne lui ont pas bien davantage laissé le temps de respirer. Là aussi, on voit surtout les intentions. Tout le scénario de The Flash est un bordel son nom… mais qui sait, peut-être un tel foutoir aurait-il fonctionné en mini-série ?

Portnawakverse

On arrive alors au fond du problème : le multivers. Les mots qu’a récemment eus Michael Shannon à son sujet sont durs mais justes : cette saloperie transforme les personnages en figurines à placer où l’on veut, quand on veut – et quand on voit ce qu’ils ont fait de son personnage dans The Flash, on comprend sa frustration. Personnellement, je ne l’ai jamais totalement senti, ce multivers à la sauce 2000’s Hollywood. Je précise à cette sauce car je ne suis pas dogmatiquement fermé à l’idée de ce qu’on appelait jadis les « mondes parallèles ». J’ai grandi avec la série Sliders. Les films de voyage dans le temps partagent des similarités avec ces histoires, et quand plusieurs époques sont visitées, le tout peut avoir un petit côté multivers (cf. Retour vers le futur 2). La monumentale série allemande Dark suffit, de toute façon, à me ranger du côté des fans. Et j’adore cet aspect de la série Fringe. Mais on revient à la question du dosage. Avec son multivers, Marvel a ouvert une boîte de Pandore sous acide, une bien vicieuse, et à ce jour, pratiquement rien n’en est sorti de convaincant ; ça a surtout a) foutu un bordel monstre (franchement, quelqu’un a aimé cette partie de Doctor Strange in the Multiverse of Madness, hormis le jubilatoire mais gratuit massacre en règle des alter-vengers ?), b) poussé les curseurs du fan service au point de non-retour (cf. Spider-Man: No Way Home), et c) vidé la mort de son poids, car personne ne meurt plus VRAIMENT, dans ces films (même une Gamora, dont j’ai apprécié au demeurant le retour dans Les Gardiens de la galaxie 3…). Je sais que tout le monde sanctifie le nouveau Spider-Verse, mais désolé, après un excellent premier acte, consacré essentiellement au personnage de Gwen, le film bascule dans un portnawak artisanalement admirable mais narrativement imbitable et à l’hystérie éreintante. On s’en fout, tout devient trival. Ce qu’on veut, c’est UN superhéros, pas un cirque où 40 000 superhéros se marcheraient dessus… et finissent par trivialiser la figure par la même occasion. Sans aller aussi loin, The Flash contribue à ce mal, avec son cerveau sens dessus dessous. C’est un film qui aurait pu s’appeler The Flash in The Multiverse of Zero Fuck Given.

(Ci-dessous, Supergirl décidant que le mieux à faire, c’est de se casser d’ici presto.)

The Flash, c’est de l’enfumage non-stop. De l’enfumage qui manque même d’asphyxier le spectateur lorsqu’apparaissent à l’écran quasiment tous les Batman, de celui grand-guignolesque d’Adam West à celui tristement célèbre de George Clooney, en passant par celui pourtant inexistant de Nicolas Cage (mais provenant d’un univers où le film s’est fait, mais ouiiiii, trop puissaaaaant !) (1). Et cette partie méta n’aura rien apporté au film, ni rien de substantiel, ni rien d’excitant, car au fond du fond, tout n’est que fan service, fan service, fan service. N’attendez même pas de la scénariste qu’elle ait au moins assuré à la surface, qu’elle ait profité du multivers pour s’amuser : vous aurez tout juste l’évocation d’Eric Stoltz dans le rôle de Marty McFly – Last Action Hero a déjà fait mieux il y a trente ans en remplaçant Arnold par Stallone sur l’affiche de T2 (2)

Petite parenthèse sur la logique du multivers

Petite parenthèse dédiée au problème d’ordre logique que me pose l’idée qu’un personnage, ici Bruce Wayne, puisse changer de gueule d’une dimension à l’autre. J’avais eu ce problème devant No Way Home, où Tobey Maguire, Andrew Garfield et Tom Holland jouaient Peter Parker, et je l’ai de nouveau eu devant The Flash. Parce qu’il ne s’agit pas de Spider-Man ou de Batman changeant d’identité d’une dimension à l’autre, c’est-à-dire de différentes personnes portant le même costume ; ça, passe encore, quoique de justesse, car comment des personnes parfaitement différentes pourraient-elles avoir des idées si approchantes de superhéros-araignée, dans la même ville de New York, à la même époque ? Non, ici, on parle d’un jeune homme nommé Peter Parker à la naissance, dont les parents ont tous deux décédé alors qu’il était enfant, qui a grandi à New York, a été élevé par son oncle Ben et sa tante May, et que le destin a conduit un jour à devenir le justicier masqué connu sous le nom de Spider-Man. On parle d’un héritier richissime nommé Bruce Wayne, dont les parents ont été assassinés alors qu’il était enfant (…), et dont le désir de vengeance contre le mal de ce monde, ainsi que le rapport traumatique aux chauve-souris, l’ont conduit à la création d’un alter-ego vengeur nommé Batman. Ces situations résultent d’agencements de cellules très, très spécifiques. Ils ne peuvent PAS avoir des gueules différentes. Aucune autre déclinaison de Peter Parker n’aurait ce qu’il faut pour devenir le Peter Parker qu’on connait.

Je sais, on parle de bandes dessinées, ça ne mérite probablement pas une thèse, mais que voulez-vous, ça m’a toujours tracassé. Parenthèse fermée.

Le dernier clou dans le cercueil ?

The Flash est un MAUVAIS film, donc. Oui. Ça ne devrait même pas être une si grosse déception. Le Flash n’a jamais été qu’un superhéros secondaire, apprécié des fans, bien campé par son acteur… mais secondaire, et ce n’est pas cette autre série pourrie pour ados de la CW consacrée au personnage qui y change grand-chose. Et pourtant, ce putain de film en aura fait couler, de l’encre, ces deux derniers mois. Il en aura fait clasher, sur la toile, des pro- et des anti- plus ou moins surexcités. Et son échec colossal, sa chute de fréquentation en 2ème semaine HISTORIQUE, restera dans les annales du cinéma de superhéros. Cet échec compte. Parce qu’il ne s’agissait pas QUE de lui. Il s’agissait aussi de l’état du film de superhéros en 2023, après quinze ans (!) d’un règne sur le box-office initié par Iron Man, en 2008. 2023, une une année où l’autrefois indépassable MCU peine à se renouveler. Ce n’est pas rien si l’on parle de « superhero fatigue » : la fatigue de cinéphiles qui en ont marre d’entendre parler de Machin-Man et Truc-Woman… la fatigue de fans qui en ont marre d’être pris pour des billes avec des films de moins en moins originaux et inventifs et stimulants, car on peut être amateur du genre sans être bonne poire… oui, la fatigue. Quand on est fatigué, soit on trouve un stimulant pour se requinquer, soit on s’effondre sur son canapé, comme une limace. Pour les amateurs du genre, The Flash devait être ce remontant – Les Gardiens de la galaxie 3 a certes cartonné mais c’était la conclusion d’une saga –, ce qui aurait redonné confiance en l’avenir. Pour DC, ça devait absolument être un carton – bien qu’ils n’aient désormais d’yeux que pour James Gunn. Fail. En 2021, avec la monumentale Snyder cut et le génial The Suicide Squad de – justement – James Gunn, j’avais cru DC enfin en pleine possession de ses moyens, mais c’était des exceptions confirmant une triste règle ayant la gueule d’Aquaman (ouais, désolé, c’était ridicule), Wonder Woman 1984, ou encore Shazam!. Depuis, la règle s’est, hélas, réaffirmée avec des films comme Black Adam et… The Flash.

Une proposition de positive attitude…

Quoique je ne mettrai pas ce dernier dans le même panier que ceux précédemment cités. The Flash n’est pas la merde que conspuent avec une véhémence obsessionnelle des sites comme Écran Large, avec ses dix-huit articles par jour enchaînés à un point tel qu’on les croirait presque payés, eux aussi, mais cette fois-ci pour casser. À les entendre, The Flash serait ce qui est arrivé de pire au cinéma de superhéros, autant dire au divertissement hollywoodien, depuis un sacré moment, limite un ANTI-film. Si l’on ne peut rétrospectivement QUE trouver ridicule le concert d’éloges hyperboliques dont a bénéficié le film à la suite des avant-premières du mois dernier (Tom Cruise passant un quart d’heure au tél avec Muschietti pour sanctifier son film, Edgar Wright ne tarissant par d’éloges sur Instagram…), l’acharnement assassin dont il est désormais l’objet n’est pas moins ridicule.

Pour rester dans le répertoire des blockbusters, une merde, c’est le récent Fast X, par exemple. Ça, oui. Pour rester chez DC, une merde, c’est Suicide Squad. Ça, oui. Des films dont tout est à jeter. Or tout n’est pas à jeter, dans The Flash. Si les apparitions de Supergirl sont bien trop courtes, chacune d’entre elles accroche la rétine et ne donne qu’une envie, la revoir dans le rôle, que dis-je, la voir VRAIMENT dans le rôle cette fois-ci, peu importe que 2023 marque la fin du DCEU tel qu’on le connait depuis dix ans. En moins d’un chétif quart d’heure à l’écran, Sasha Calle s’est imposée. Le film n’accomplit certes rien d’intéressant en tuant le Batman de Keaton, mais revoir ce dernier procure un VRAI plaisir, non seulement de fan mais aussi de cinéma, car Michael Keaton n’a pas perdu une once de son charisme, mais aussi parce que, pour le coup, Muschietti et sa scénariste ont su le ressusciter à sa juste valeur. Le Batwing, lui aussi ressuscité en bonne et due forme, est une des réussites de l’équipe en charge des CGI, pour changer. En résumé, pratiquement chacune des scènes en lien avec le justicier chauve-souris réjouit, même les dernières sur fond de désert en CGI bien pourris. En fait, il est même autorisé de trouver assez cool cette « justice league » alternative, une fois qu’elle est plongée dans le feu de l’action et qu’Ezra Miller n’a plus l’occasion d’épuiser le public dans son rôle d’adolescent attardé. Peu importe l’accident ferroviaire. Quand on se prend à imaginer ce qu’aurait donné un film s’il avait été correctement foutu, ça veut dire qu’il avait du potentiel, et que TOUT n’est donc pas à jeter.

… pas aidée par le générique de fin, je reconnais

Hélas, vient alors le générique de fin… oui parce qu’autant suivre jusqu’au bout mon idée d’adapter la structure de ma critique à l’ordre des séquences du film… vient alors LE générique de fin… dont la première minute trente consiste en un plan d’un chien de thérapie en CGI tombant au ralenti, lors de la scène de l’effondrement de l’hôpital. Le chienchien essaie de croquer un taco lui aussi en chute libre tandis que Flash, en arrière-plan, s’adonne au sauvetage de bébés en CGI… le chienchien essaie lui aussi d’attraper un bébé, je crois, c’est un peu flou… dans tous les cas, il a l’air de ne rien comprendre à ce qu’il se passe, et c’est normal, c’est un chienchien, et c’est probablement supposé nous faire rire, si, si… si, si. Patatras. Conclure sur un gag visuel tout juste bon à faire rire les tout-petits une fresque superhéroïque centrée sur le deuil de son protagoniste, et où meurt l’icône d’une génération, dit tout ce qu’il faut savoir sur l’état du film de superhéros en 2023. Pas forcément merdique, mais, dans tous les cas, sévèrement paumé.

Notes

(1) Le festival des Batman ne se contente pas d’enfumer, il sort en plus carrément du film… en cela, au risque de choquer avec la comparaison, il m’a un peu rappelé les infamous dernières minutes de Babylon.
(2) Combien de gens ont compris POURQUOI Eric Stoltz, en fait ? Même parmi les spectateurs de la génération Y ? Combien de gens connaissent l’histoire de son casting ? Même ceux qui se souviendront de The Flash ont déjà oublié cette partie…

Ci-dessous, quelques plans.

#01 : ils ont bien fait de mettre dans la promo ce plan qui n’aurait pas fait tâche dans la trilogie TDK. Difficile de ne pas être plongé immédiatement dans l’ambiance.

#02 : probablement le plan le plus fan servicesque du film… assez cool au demeurant.

#03 : ce plan très fort (un autre inclus dans la promo), qui illustre avec panache la familiarité de Muschietti avec le genre horrifique, m’a carrément fait espérer PLUS encore qu’un simple film de superhéros réussi (oui, j’ai été assez con, ce coup-ci). Pour le coup, il aurait pu être dans le Multiverse of Madness de Sam Raimi…

#04 : enfin… Antje Traue en Faora-UI dans Man of Steel. Ouais, cet abruti de Muschietti n’a rien fait de ÇA.

 

 

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