Critiques

Spiderhead

Les plateformes de streaming ont le don obscur de pouvoir « sortir » dans la discrétion la plus totale des productions de pourtant bon standing interprétées par des acteurs pourtant populaires. L’auteur de ces lignes se tient plus au courant de l’actualité cinématographique que la moyenne, apprécie beaucoup le travail du réalisateur Joseph Kosinski, dont il a vu trois fois en salle le sensationnel Top Gun : Maverick, et POURTANT, il n’a appris l’existence de son dernier film, Spiderhead, que quelques jours avant sa diffusion sur Netflix. Déprimant ? Assurément. Injuste ? Pas vraiment. Parce que si la discrétion susmentionnée est une véritable plaie pour le cinéma, c’est un fait… il est des cas où cette minimisation du retentissement du film vaut carrément mieux pour ce dernier. C’est le cas ici, puisque Spiderhead est un désastre. Et l’expérience est d’autant plus désagréable pour le cinéphile que les caprices du COVID l’ont fait sortir de sa boîte moins d’UN MOINS après le deuxième Top Gun. « Par le réalisateur du plus gros carton de la carrière de Tom Cruise » ? Mouais. La suite.

Kosinski est un excellent faiseur d’images. Dans Spiderhead, on retrouve les marques de sa formation d’architecte sous bien des aspects de sa mise en scène, comme c’est le cas dans chacun de ses films depuis son premier, le formidable et sous-estimé Tron : L’Héritage. Avec le présent, lui et son brillant chef opérateur Claudio Miranda proposent au spectateur un objet fort plaisant à l’œil, parsemé de beaux moments de cinéma… qu’on estimera au nombre de, allez, trois ou quatre. Mais trois ou quatre BONS, hein. On peut même affirmer qu’en matière d’esthétique, Spiderhead enthousiasme dès les cinq premières minutes, notamment avec un magnifique plan panoramique d’une côte australienne verdoyante sous un ciel bleu azur dans lequel un avion entre par le bas avec un parfait sens de la symétrie. Bien qu’on ne puisse pas pour autant louer entièrement l’esthétique du film car sa direction artistique peu inspirée casse tout au plus deux pattes au canard (il y a bien les appartements d’Abnesti, mais il rappellent énormément ceux du héros d’Oblivion, un autre film de Kosinski), le cinéphile accordant plus d’importance à la forme qu’au fond peut entrer sans craindre pour sa vie. Il aura à craindre pour son intérêt, en revanche, puisqu’il n’aura quasiment QUE la forme à se mettre sous la dent car Kosinski n’est visiblement pas capable de transformer l’eau en vin (on le lui pardonne), ni d’identifier un scénario pourri (on le lui pardonne moins). Ce coup-ci, le scénario pourri est signé Rhett Reese et Paul Wernick, à qui l’on doit Zombieland et Deadpool. Deux films fort sympathiques, mais très éloignés du thriller de science-fiction dystopique.

Prévisibles promesses

La première moitié du film intrigue raisonnablement. Elle ne convainc pas vraiment sur le plan scénaristique, laissant le spectateur dans l’expectative face à un développement très limité de ses personnages et un schmilblick peinant à poindre le bout de son nez, mais durant ces cinquante premières minutes, en dépit de quelques trucs un peu cons, on n’anticipe pas forcément l’accident ferroviaire en approche. Au contraire, le pitch promet des conflits dramatiques hauts en couleurs (1). On accepte Miles Teller dans le premier rôle même si ce n’est pas l’acteur du siècle – après tout, il était très bien dans Top Gun : Maverick trois semaines plus tôt – et on ouvre grand les bras à Thor, qui fait plaisir à voir dans un autre rôle que celui de Thor – même si le casting d’un acteur à la dégaine de dieu de la mythologie nordique dans un rôle de scientifique glauque relève un peu de l’expérimentation. En fait, son personnage et la performance ravie de l’acteur ont une énergie malicieuse qui devient assez vite celle du film et maintient alerte.

Ainsi, lorsque survient la scène-pivot sur le plan dramaturgique du « suicide accidentel », une scène qui compte parmi les deux ou trois moments visuellement forts du film précités et qui a la bonne idée d’arriver PILE à mi-métrage, on ose croire que le film décolle enfin. Qu’il va abattre ses premières vraies cartes, et qu’elles seront de qualité. Révéler sa complexité, s’avérer digne de son pitch, faire oublier ses cafouillages. Pourquoi ? Pourquoi croire ? Parce que l’homme a besoin de croire. Il a son abonnement mensuel Netflix et se dit que allez, cette fois-ci, le film sera réussi.

Science sans sens

Ainsi l’on ose croire que cette embellie sera définitive et qu’elle gommera les incohérences de l’intrigue, dont on espère qu’elle n’est pas frappée du même mal que celle de Life, autre film écrit par le duo – d’horreur spatiale, cette fois-ci –, dont la force dramatique était gravement limitée par le fait que les personnages y accumulaient les conneries et que la moitié des rebondissements étaient surréalistes. Hélas, sur les plans logique et psychologique, le scénario de Spiderhead ne fonctionnera juste pas jusqu’au bout. Et c’est pas peu de le dire. Comme dirait l’autre.

La première moitié du film a beau divertir, le centre où se déroule l’action suscite très tôt de terribles interrogations pratiques, avec son côté Loft Story open bar où les détenus peuvent circuler librement, jusqu’aux bureaux du grand manitou, même, dans un esprit de transparence forcée qui rend passablement suspect la positive attitude dudit manitou, pareil à un père d’adolescent cherchant à avoir l’air branché auprès de ses camarades. Les modalités de la détention des « cobayes » sont floues, flou accentué par la façon déconcertante dont le héros change de comportement vis-à-vis de l’expérience, un coup enthousiaste, le coup d’après hostile, comme s’il ne pigeait pas ce dans quoi il s’était embarqué alors que c’est quand même assez clair.

Ou peut-être ne l’était-ce pas à ce point, clair ? Les minutes passent et les questions s’accumulent. Par exemple : comment les essais peuvent-ils se faire en l’absence de gardes assurant la sécurité ? Au cas où un détenu deviendrait violent, par exemple, comme la grosse baraque aryenne pas exactement fan de Jeff. Au début du film, Abnesti est accompagné de deux jumeaux rouquin un brin patibulaires faisant office de sécurité… on les reverra quoi, une ou deux fois ? Comment les effets peuvent-ils se faire en l’absence d’une équipe médicale en cas d’agression, ou au cas où un détenu s’en prendrait à sa propre vie sous l’effet de la molécule pourvoyeuse de bad trips, comme c’est le cas avec le personnage de Heather ? Mieux : pourquoi contrôler psychiquement les détenus pour qu’ils restent dans le centre alors qu’ils le font de leur plein gré, puisque c’est ça ou le pénitencier supermax duquel les a tirés Abnesti ? Un quotidien de participant d’émission de télé-réalité, avec cuisine spacieuse, aires de jeux et possibilité de coucher entre codétenus, ou un quotidien de taulard classique ! Et la contrepartie, les essais médicaux, semble peser bien peu, ces derniers n’étant terriblement désagréables qu’en partie – une autre partie incluant du sexe aussi bestial que consensuel – et se déroulant à une fréquence inconnue du spectateur !

À mi-métrage, en fouillant dans les tiroirs du vilain Abnesti, Jeff fait LA découverte, une découverte qui révèle l’inexistence du « comité de supervision » dont parle tout le temps ledit vilain ainsi que la véritable nature de ses essais, une découverte censée TOUT changer. Résultat ? Notre protagoniste, pas le crayon le plus affuté de la boîte, n’en fera RIEN pendant une bonne demi-heure. Pourquoi ? Lui-même ne le sait probablement pas. Oh, et le twist est amené de la façon la moins dramatique possible, et on s’en contrefoutra de toute façon totalement, le coup ridicule du bingo n’arrangeant absolument rien.

Dans le dernier acte, on apprend que les détenus ont, en réalité, FINI LEUR PEINE. Salaud d’Abnesti ! Mais attendez… comment ne le savent-ils pas, déjà ? L’autorité pénitentiaire n’est-elle pas censée communiquer ce genre d’informations ? D’ailleurs, quel est l’accord… hautement anticonstitutionnel qu’Abnesti a passé avec elle ? Comment récupère-t-on quelques dizaines d’ex-détenus pour des essais cliniques sans aucune supervision ? Où sont leurs avocats ? Que font leurs familles ? Surtout, qu’est-ce qu’Abnesti comptait faire d’eux, une fois les essais conclus ? A fortiori en cas d’échec ? Les lâcher dans la nature, « désolé les gars, bonne chance, à plus ! », sans craindre la moindre conséquence, alors qu’il est un CEO de laboratoire pharmaceutique réputé dont ils connaissent la gueule ? En parlant de ses essais… la « drogue de l’amour » est à elle seule une invention sensationnelle qui aurait suffi à le rendre riche à milliards et respecté de tous : pourquoi s’encombrer de ce projet aussi risqué que délirant de lobotomisation mondiale digne d’un méchant de sous-James Bond ?

Last but not least, les espèce de boitiers perfuseurs que portent sur eux les détenus, ainsi qu’Abnesti lui-même, juste pour rire, sont le couac le plus sauvage du film, logés à un emplacement du corps parfaitement contre-intuitif et improbablement fragiles de constitution puisqu’ils se brisent au moindre choc alors que certaines expérimentations plongent les cobayes dans un état d’effroi les rendant prompts à l’agitation. Pourquoi les avoir placés à cet endroit du corps et non à l’avant, par exemple, en bas de l’abdomen, en un endroit qu’on peut instinctivement protéger de ses mains ? Pourquoi ne pas leur avoir choisi une matière plus résistante ? Oh, simple : parce que les scénaristes avaient une idée, n’ont pas reconnu qu’elle était à la con, et ont tenté de faire rentrer leur rond dans un carré. On n’essaie pas de faire entrer un rond dans un carré.

Science du vide

Il était par conséquent malavisé d’« oser croire » à un décollage tardif du film. D’autant plus que ce décollage devait être multiple et synchronisé. D’abord, il devait donner de l’épaisseur à des personnages secondaires jusqu’ici ineptes, comme Lizzy, le « love interest » (expression dont l’équivalent français, « objet de l’affection », marche bien moins…). On est censé la trouver convaincante dans ce rôle alors qu’elle ne fait RIEN qui la démarque du lot, qu’elle passe son temps à sourire comme une mongolienne, et que c’est plutôt la blonde Heather (2) qui intéresse, mais c’est pas grave. Ensuite, il devait justifier les quelques sous-intrigues complètement pourries de la première moitié du film, comme l’INSOUTENABLE suspense autour de l’identité de « shitfingers » – ou la sous-intrigue la plus nulle de l’histoire du cinéma américain récent. En fait, il devait faire tout un tas de choses… dont aucune n’arrive. Non seulement la seconde moitié du film ne dissipe pas les inquiétudes nourries par la première, elle le fait basculer à vitesse grand V dans une nullité qui saute aux yeux une fois compris le fait qu’il n’a RIEN à dire d’intéressant.

L’ambitieux pitch accouche d’une souris. Spiderhead ne fait quasiment RIEN de sa molécule révolutionnaire alors qu’on en attendait tant, ou du moins était en droit d’en attendre tant. Des défenseurs du film parlent de la fameuse « expérience de Stanford » (4) comme d’une de ses influences : zéro rapport, ou presque. Citer cette expérience ne fait, au contraire, que surligner la nullité du film citée plus haut : s’il avait eu les couilles d’explorer frontalement la part d’obscurité de la nature humaine comme l’expérience controversée l’a fait il y a cinquante ans, quitte à se planter, ça aurait déjà été quelque chose. Les couilles… et l’ambition. Parce que contrairement aux apparences, le film de Kosinski est tout, sauf ambitieux. Face à cette absence d’ampleur sidérante, on se dit qu’un metteur en scène plus politique et plus agressif que lui aurait peut-être su faire quelque chose de cette histoire, à défaut de rendre bon le scénario. Un Alex Garland, par exemple, dont le souvenir d’Ex Machina revient à plusieurs reprises. Quand Abnesti dit à Jeff « you feel your decision would be random ? », il fait miroiter l’idée d’une réflexion sur la prédétermination qui n’adviendra naturellement pas. Son projet débile a été évoqué plus haut. Le discours grandiloquent qu’il tient, vers la fin du film, sur une humanité qui vivrait en harmonie dans une obéissance parfaite, est surréaliste pour un type supposément brillant, en plus d’être un cliché grotesque (« c’est vrai, quoi, ce serait pas fun, un monde où tous ces pauvres cons feraient ce qu’on leur demanderait sans poser de question ? Come oooon duuuuude ! »). En gros, le film fait de son génie un abruti. Spiderhead, film censé traiter de la complexité de la psyché humaine, s’illustre surtout par son manichéisme, et c’est d’une ironie parfois gênante. Ce personnage apparait comme une ordure évidente dès le départ ; son assistant, aux airs de compagnon gay délaissé, apparait tout aussi évidemment comme un type au bon fond, tiraillé par un conflit moral, et qui finira par se retourner contre lui ; enfin, comme souvent avec les films de prison où l’ambiguïté morale des personnages est censée les rendre intéressants sauf que non, les scénaristes se sont défilés : avec Jeff, on tient un personnage techniquement coupable, certes, mais pas un mauvais bougre, au fond, parce que c’était pas sa faute, il était bourré et paf le platane, deux morts mais shit happens ! Même topo avec sa nana Lizzy : son crime est ignoble, mais on compatit pour elle parce qu’il était involontaire et qu’il relève davantage de la faiblesse que de la perversion ! À deux-trois personnages près, les autres détenus sont anonymes, ils n’ont pas d’existence, pas d’interactions, comme si les scénaristes ne comprenaient absolument rien à l’humanité que leur histoire est censée explorer. Le montage du film n’est pas exempt de qualités. Par exemple, l’intégration des flashbacks à la progression dramatique liée aux expériences était une bonne idée, ici bien gérée. Et… elle aurait fort bien servi le film si ladite progression dramatique avait produit le moindre effet. Ce qui n’est pas le cas. Puisqu’on s’en fout.

La révélation des véritables intentions d’Abnesti et de la fonction de la molécule B86 fait plouf : on la voyait venir à mille bornes, elle aussi, puisque toute l’opération de l’infâme scientifique n’était qu’une affaire de contrôle. Donc on s’en fout. Les pires clichés de la série B d’action dystopique s’enchaînent, les petites incohérences de la première moitié du film se révèlent des bombes à retardement. L’inconsistance tonale qui frappe le film n’arrange rien. Un coup l’ambiance est super dramatique, le coup d’après, c’est détendu du gland, et à la fin, on bascule dans un cirque complet qui donne au film des airs de comédie à la Benny Hill. Ces dix, quinze minutes peuvent être vues comme un modèle à ne pas suivre, en fait. Là, en revanche, on fait plus que s’en foutre, on en a un peu ras la casquette. Un peu comme les acteurs, en fait : à l’exception de Chris Hemsworth dans son rôle à contre-emploi, ils n’ont pas eu grand-chose à faire dans le film. Son pitch avait des airs de rêve pour eux puisque de véritable challenge leur demandant de passer d’une émotion à une autre, puis à une autre, puis à une autre… rien de tout cela. Ah si, dans cette autre des quelques excellentes scènes du film, où Jeff et Heather passent de l’indifférence mutuelle à l’ébat fusionnel sous l’effet de la molécule. UNE scène.

Un élément aggravant du manque d’ambition du scénario tient aux attentes du spectateur qui s’imagine, dans sa tête, une évolution parfois bieeeen plus inventive et convaincante que ce que le produit fini. Par exemple, Spiderhead parle de manipulation : allions-nous découvrir à la fin du film que c’est NOUS qui avions été manipulés, que le héros est le méchant et le méchant le cobaye ? Ou bien Jeff et Lizzy étaient-ils en réalité sous l’influence de la drogue de l’amour du début à la fin du film ? Juste deux idées. Des idées plus ambitieuses que le film, il faut croire.

Visiblement un peu perdu, Kosinski a tenté de compenser l’inanité de son histoire par une mise en scène parfois très emphatique. La révélation du traumatisme du protagoniste, le crash meurtrier de sa voiture, est un autre des quelques beaux moments de cinéma du film. UN autre moment. Rien qui ne suffise à sortir le spectateur de sa léthargie accablée. Le cinéaste aurait pu instiller à son film une coloration d’épouvante, puisqu’avouons-le, le thème de la manipulation cérébrale est une PUTAIN D’INVITATION à l’horreur psychologique ; la scène d’intro, assez glauque, le laissait même entrevoir. Nada. Sam Raimi a fait mieux dans ce domaine, le mois précédent, avec Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Mais c’était Sam Raimi. Que Kosinski ait été conscient des nombreuses incohérences du scénario ou non, peu importe : il n’a pas su sauver les meubles par la seule force de sa mise en scène. Je ne serai pas pour autant de l’avis d’un ami selon qui Spiderhead est la preuve que le réalisateur ne sait pas raconter une histoire : il lui faut juste un bon scénario. C’est pas trop demander, un bon scénario. Si ?

L’île aux grands enfants

Durant le dernier acte de Spiderhead, un film m’est revenu en tête : The Island, de Michael Bay. Et une pensée des plus déconcertantes m’a traversé l’esprit : finalement, ce n’est pas si mal que ça, The Island de Michael Bay. Alors que C’EST mal. En tout cas, ce n’est pas très bien du tout. C’est de la dystopie pour beauf, visuellement générique, commençant par du Gattaca du pauvre et finissant sur du boum-boum plein de moments d’hystérie typiques de son réalisateur. MAIS. Mais. Ça divertissait. Ça divertissait dans le sens où l’on pouvait le regarder, même pas le cerveau éteint, non, juste d’un œil distrait, et en tirer un certain plaisir de pop-corneur du samedi soir. Et ça ne divertissait pas parce que Michael Bay est un meilleur réalisateur que Joseph Kosinski, non… simplement parce que ça tenait grossièrement la route, parce que ça savait où ça allait, que ça savait à peu près le raconter. Ça donnait l’impression d’avoir été écrit par des gens qui avaient AU MOINS une certaine connaissance de la formule, eux. De fait, le spectacle avait beau être superficiel, le fait que son intrigue ne soit pas totalement débile permettait AU RESTE de marcher dans la mesure du possible. Et puis, The Island a beau être tarte, il ne propose rien d’aussi ridicule que le coup de la police arrivant en bateau avec l’ex-assistant Mark à sa tête. (Ci-dessous, Mark en train de se demander ce qu’il fout dans cette galère.)

Il y avait aussi Scarlett Johansson, je sais, JE SAIS. Et puis la musique planante de Steve Jablonsky, aussi. Oui, parce que dans Spiderhead, même de ce côté-ci, il n’y a rien à garder.

Retour aux plateformes

Ainsi le géant Netflix, pas au mieux de sa forme en ce milieu d’année 2022, nous a-t-il fait don d’un énième long-métrage calamiteux. Pas seulement calamiteux : calamiteux à la façon Netflix. Ou des plateformes plus généralement, parce qu’Amazon Prime ne vaut pas mieux, par exemple. Mais Netflix quand même. Les gars qui attirent les gros réals en mal de financements et les grosses stars en mal de projets originaux, qui sortent les gros sous, et se disent qu’allez, ça ne peut pas ne pas marcher, too big to fail. Ce qui n’arrive pas, les trois-quarts du temps. Pourquoi, au juste ? Les interprétations sont nombreuses. En ce qui me concerne, la faute principale est à cette espèce de tradition de l’à peu près, qui donne presque l’impression de garantir qu’aucun grand cinéaste ne réalisera jamais un film majeur pour Netflix (désolé, The Irishman, désolé, Mank, désolé, Roma), à quelques exceptions près (Noah Baumach avec Marriage Story). Et ça a quelque chose de déprimant parce qu’on parle de plus en plus des plateformes de streaming comme des principaux pourvoyeurs de moyennes productions dans un futur possible où seules les grosses machines auront les moyens de sortir au cinéma. Un futur… dystopique.

Arrêtons ici les frais, non sans un grand merci au COVID pour avoir fait en sorte que Joseph Kosinski nous ponde à quelques semaines d’intervalle, comme souligné au début de cette critique, un des plus grands blockbusters US des années 2000, Top Gun : Maverick… et l’un des pires gros films US de l’année, celui-ci, auquel on préfèrera remater un épisode même pas mémorable de Black Mirror. Si je défends depuis dix ans les deux premiers films du cinéaste, c’est parce que je les estime sous-estimés, et si je les estime sous-estimés, c’est parce qu’à mon sens, ils ne sont pas QUE des beaux objets vides. Spiderhead, lui, est… un objet vide.

Notes

(1) Certains rangent le film dans la catégorie hautement prisée du « high concept », terme popularisé par les producteurs Jerry Bruckheimer et Don Simpson dans les années 80 et désignant un film dont on peut résumer le pitch en une phrase forte (exemple : Des serpents dans l’avion), ce qui a fait leur succès (Flashdance, Le Flic de Beverly Hills… Top Gun…). Désolé, mais Spiderhead n’a pas un pitch résumable en une phrase forte. Hélas pour lui.
(2) Personnage rappelant un peu l’aussi charmante qu’intrigante Syd de la série Legion, non ?
– Ci-dessous, quelques captures d’écran supplémentaires, pour insister quand même un peu sur le fait que Kosinski et Miranda n’ont PAS fait un mauvais boulot.

(Oui, la scène de l’accident de voiture a quand même une sacrée gueule.)

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