Little Monsters (+ vlog)
Ok, Hollywood. On a compris. Les zombies, c’est hilarant. Voir une petite vieille se faire siphonner les boyaux par un groupe d’ex-lycéennes nipponnes en voyage de classe sur la côte ouest, c’est à se pisser dessus. Brain Dead de Peter Jackson a définitivement prouvé, il y a près de trente ans, la compatibilité entre gore bien salissant et rire cathartique. Mais quand même… peut-être serait-il temps de faire un petit break. Au printemps dernier, le catastrophique The Dead Don’t Die de Jim Jarmush a failli enterrer le genre. Le très raté Zombieland 2 vient d’apporter sa contribution à l’essoufflement du genre. Se regrouper pour faire le point n’aurait pas été une mauvaise idée. Surtout quand on voit la gueule du présent film – car jamais deux sans trois ! Little Monsters, comédie de zombies australienne réalisée par Abe Forsythe, jeune réalisateur à peu près inconnu au-delà de son continent, nous conte l’histoire d’un fumeur de beuh fraîchement largué par sa compagne pour cause d’immaturité pathologique s’associant à une jeune institutrice de maternelle pour protéger d’une horde de zombies sa classe d’adorables mômes… à qui ils décideront de faire croire que… tout ceci n’est qu’un jeu… pour ne pas les traumatiser… les pauvres… mouais.
Lien vers mon vlog consacré à Little Monsters
Des zombies pas très fun
Posons-le d’entrée de jeu : Little Monsters est raté. Le premier constat à faire est qu’il ne casse pas des briques en tant que comédie de zombies. Quand on se lance dans une telle aventure, on ne peut pas faire comme si quinze ans de parodies du genre n’étaient jamais arrivés, aussi doit-on être original, comme un Shaun of the dead… ou, à défaut de révolutionner le genre, y apporter une bonne dose de caractère. Ce que le film de Forsythe ne fait pas. Il a une plus-value théorique, cette idée de faire croire à des enfants de cinq ans que la zombie apocalypse environnante n’est qu’un jeu avec des acteurs (payés ?), mais comme vous l’avez compris, ceci est très, très théorique, et dans la pratique, l’idée ne convainc pas, du tout, du tout. À plusieurs moments, on se dit… « ouais, euh, à moins d’être en état de mort cérébrale, si je voyais ça, même à cinq ans, j’aurais qu’une seule envie, tailler la route ». Ça passait avec les Nazis du camp de concentration de La Vie est belle, de Roberto Benigni, mais là, bien moins.
Et trois fois hélas pour lui, c’est bien là la seule idée « originale » de Little Monsters. La juxtaposition de l’innocence enfantine à l’intérieur de la boutique de souvenir où se réfugie la troupe et de la boucherie extérieure, le personnage de la gentille institutrice Miss Caroline tranchant une tête de macchabée alors qu’une môme pousse gaiement la chansonnette… ça amuse deux secondes.
Un humour pas très drôle
Reste alors le caractère. Quand on va voir une parodie de zombies, on s’attend à quelque chose d’assez outrancier dans l’humour noir, un peu dégueu, un peu burlesque, bref, haut en couleurs… or Little Monsters est une vraie déception, en la matière. Il réserve toute son outrance au catastrophique personnage de Teddy McGiggle, joué par l’horripilant Josh Gad, quota scato, improbablement antipathique, à qui Forsythe fait répéter mille fois « fuck » en présence d’enfants comme si c’était subversif… En somme, un personnage qui aurait plus sa place en pédophile dans un film de Todd Field qu’en ressort comique. Le film ne fait pas grand-chose d’amusant non plus avec ses zombies. Un des rares moments fun qui restent, c’est ce véhicule avançant aussi lentement que les morts-vivants qui le poursuivent : ça, c’est comique. Mais c’est presque tout. En fait, Little Monsters n’est juste pas très drôle. Ou bien peut-être est-il drôle, mais pas du genre d’humour qui marche auprès des gens logiques.
Une apocalypse molle du genou
J’ai écrit plus haut qu’à la place des gamins, au bout d’un moment, j’aurais ressenti comme une furieuse envie de tailler la route. AUTRE problème de Little Monsters : on n’y ressent justement que TRÈS peu d’urgence, alors que les enjeux sont quand même là. Le film a deux de tension, comme ses zombies, peut-être les plus nuls de l’histoire des zombies. Ces derniers mettent près d’une demi-heure à apparaître à l’écran : cela joue-t-il ? Le génial L’Armée des Morts de Zack Snyder avait l’avantage de démarrer sur des chapeaux de roue, lui. Faire attendre le public n’était pas en soi une mauvaise idée, ça marche, le calme avant la tempête… mais ‘faut qu’il y ait une tempête. Or, celle de Little Monsters trouve le moyen d’avoir des PUTAINS DE LONGUEURS. Le problème est que le réalisateur ne semble justement pas avoir pris au sérieux sa tempête. Ses deux protagonistes acceptent la situation sans trooop s’étonner… la boutique de souvenir où ils se planquent semble magiquement imprenable… chaque apparition du personnel militaire fait série Z… ah oui, et à la fin, une bombe atomique explose ? Je sais, tout ça, c’est pour rire. Sauf qu’encore une fois, on ne rit pas. J’aurais aimé trouver ça aussi ludique que les mômes du film qui croient jouer à « chat »…
Miss Caroline is in the room
Mais au moins, il y a Miss Caroline ! Miss Caroline et sa dévotion sans faille à son devoir d’institutrice, « one, two, three, eyes on me ! »… charmante, charmante. Yes, Lupita, eyes on you. Si Lupita Nyong’o a prouvé quelque chose en 2019, avec Us et ce film, c’est qu’elle fait une parfaite héroïne de « survival horror », très crédible recouverte d’hémoglobine : la voir dégommer du zombie est un des seuls arguments du film. Mais ici, elle assurera EN PLUS dans le registre de la comédie légère (peu importe que les dialogues qu’on lui a écrits soient rasoirs), rayonnante comme sa robe pleine de soleil, surtout lorsqu’elle pousse elle aussi la chansonnette, son ukulélé à la main, au point de rendre supportable du Taylor Swift. Sans doute aurait-elle dû être le SEUL personnage central du film.
De l’émotionnement ?
Oui, sans doute aurait-elle dû. Parce que… on s’attend à ce qu’elle soit l’héroïne, or si l’on devait identifier le ou la protagoniste du film, au singulier, c’est DAVE que l’on choisirait ! Dave, profil-type de l’adulescent incapable et ingrat accroché à ses rêves de rockstar d’adolescence, fumeur de ganja accro aux jeux vidéo. C’est difficile, d’écrire quelqu’un d’antipathique que le spectateur se surprendra à apprécier au fil de l’histoire. Oui, Dave finira BIEN SÛR par se racheter : c’est la figure clichée du loser découvrant son propre potentiel dans l’adversité, « from zero to hero ». Mais est-ce que ça change fondamentalement son appréciation du personnage ? Vaguement. Au bout du compte, rédemption ou pas, on se rappelle les vingt premières minutes du film comme d’un long « character-development » bien chiant parce que dédié à un personnage qui ne le méritait pas – bien qu’elles réservent quelques répliques sympas, dont l’hilarant « maman, je suis ton père ». Et surtout, ladite rédemption ne rend pas l’éventualité d’une idylle avec Miss Caroline moins surréaliste. Je veux dire, Lupita + institutrice casse-cou, quoi.
Des enfants, surtout
Peut-être le sentiez-vous déjà en filigrane : c’est un sérieux problème de ton qui porte le coup de grâce à Little Monsters : le film a beau être une comédie de zombies, il a quelques très mineures ambitions sur le plan dramatique, ce n’est pas un délire complet, ce n’est pas Y a-t-il une instit’ dans la zombie apocalypse ?. Il est attendu du spectateur qu’il s’attache un minimum aux personnages et ressente les enjeux. Mais tout est trop frivole, trop timoré pour ça. Si le film a le moindre espoir de toucher, ça ne tient vraiment qu’aux gamins. Parce que si l’on veut voir le verre à moitié plein, au fond, Little Monsters, titre à la fois catchy ET malin, n’est rien d’autre qu’une déclaration d’amour à l’enfance, un portrait sympatoche de relations saines entre les adultes et leurs alter-egos modèles réduits, maquillé en film de genre.
Abe Forsythe n’avait pas ce qu’il fallait pour réénergiser la parodie de zombie, ni même pour trousser des scènes d’action dignes de ce nom tant sa mise en scène est, dans l’ensemble, assez terne… mais quand la caméra s’arrête sur la troupe de castors juniors et leur adorable institutrice chantonnant I don’t want to live on the moon TOUJOURS au ukulélé, là, on le trouve soudainement bien à l’aise, à tel point qu’on aurait aimé les voir davantage, ces gamins. Ça se sentait dès le départ, avec le personnage du neveu Felix, tromeugnon sans en faire trop. C’est davantage lui qui laissait entrevoir le cœur du film que le personnage de son oncle Dave, si correcte soit la performance d’Alexander England, au passage. Plus de mômes, mieux développés, plus de Lupita, moins de zombies, pas de Dave et de Teddy, voilà ce qu’il fallait à Little Monsters pour rendre pardonnables ses sérieux, sérieux défauts. Ce qui, pour un film autoproclamé « zombie comedy », ne le fait pas vraiment.
Note positive
Finissons sur une note positive : si le film m’a laissé froid, je serais en revanche hyper-preneur d’une SÉRIE TÉLÉ ayant pour héroïne Miss Caroline, institutrice propulsée par sa positive attitude aux quatre coins de l’Australie, ses mômes au bras. Et dans le même bus, hein, à la Little Miss Sunshine. Et dans la même robe jaune. Netflix, Amazon Prime, Hulu, anyone, si vous nous entendez…