La Forme de l’eau
Attention, [spoiler alert !]. Pour les braves prêts à souffrir le martyr, ça va être rapide. Le temps d’un court résumé, trois fois rien. La Forme de l’eau, c’est… l’histoire d’une femme muette comme une carpe qui, un jour, décide de coucher avec un poisson humanoïde beau comme un thon, non sans l’avoir libéré préalablement des mains d’un colonel d’armée blanc, raciste, sexiste, et psychotique, le patriarcat, quoi, avec l’aide d’un militant communiste, d’une Noire en surpoids, et d’un vieil homosexuel encore plein de rêves. Si ce résumé parfaitement fidèle au matériau original ne vous a pas fait rire jaune (le lire à voix haute peut aider), cessez immédiatement la lecture, votre petit cœur n’y survivra pas.
La Forme de l’eau est un désastre aux proportions babyloniennes. Une telle affirmation, si négative, vous surprendra peut-être, considérant l’« injonction à sanctifier » dont bénéficie le film auprès de la bonne société, mais que voulez-vous, parfois, il faut savoir trancher sec, tchak, surtout lorsque l’amputation est le seul moyen de sauver le patient. Ça arrive, d’avoir envie d’être brutal, quand les gens perdent la boule. Ça donne envie d’exagérer en retour. Exemple : La Forme de l’eau est une merde. Et le pire, c’est qu’on n’est pas bien loin de la réalité. Le seul intérêt du film est de rappeler avec quelle inquiétante facilité une psychose peut gagner collectivement la communauté cinéphile un peu « hip » – puisqu’il est évident, considérant son échec au box-office, que le concert de louanges dont bénéficie le film vient d’une niche de classes moyennes-supérieures émotives. Nous avons bien dit « rappeler », car les lubies absurdes ne sont pas rares : ce même mois de février, la critique s’est entichée d’un autre film qui ne le mérite pas vraiment, Lady Bird, quoi que le petit film de Greta Gerwig restât fort regardable, contrairement au présent film. Parce qu’en dehors de ça, lecteurs qui ne tombez généralement pas dans les panneaux, passez votre chemin : pour reprendre les mots employés par Napoléon 1er pour décrire Talleyrand, La Forme de l’eau, conte scandaleusement inepte et surtout con comme la lune, est de la merde dans un bas de soie. Un croisement sans inspiration d’Amélie Poulain (l’héroïne est brune et candide, Richard Jenkins rappelle le vieux peintre malade du film de Jeunet, le toujours aussi peu inspiré Alexandre Desplat nous sort même les accordéons, pour un résultat saupoudré des autrement plus inventifs Délicatessen et La Cité des Enfants perdus…), King Kong, La Belle et la Bête (en réduction), et L’Étrange Créature du lac noir, co-écrit par la scénariste de Divergente (rires), qui n’a RIEN à offrir au public, une fois passé l’admiration du travail artisanal de l’équipe technique.
D’aucuns pourraient justement se dire que ça laisse toujours un bas de soie au public, c’est-à-dire un emballage de qualité. Hollywood ne fait quasiment que ça, de nos jours, des films beaux à voir et atrocement écrits. Mais même là, on n’est pas vraiment sûr. La reconstitution des années 60 est de qualité mais sans génie aucun, quiconque ayant joué aux deux premiers Bioshock peinera à trouver originale, ou ne serait-ce qu’inspirée, la direction artistique, et les amateurs de Hellboy verront forcément dans la créature de La Forme de l’eau un recyclage éhonté d’Abe Sapien (hé, les personnages sont joués par le même acteur !), ne laissant à se mettre sous la dent que de TRÈS beaux effets spéciaux. Yep. Très beaux, les effets spéciaux. Sauf que c’est un film, qu’on est censé voir, pas une démo graphique.
Remarque, au sujet du design de la créature et de son manque d’inspiration : Benicio del Toro n’en est pas à son premier recyclage. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les méchants de Blade II et ceux de Hellboy II…
De toute façon, l’électricité dans l’eau, ça le fait moyen
Non, ce que l’on attend en premier d’un film, comme d’un roman, comme d’une chanson, c’est qu’il nous fasse ressentir quelque chose. C’est une SUBSTANCE qui parle à notre âme. La prétendue substance de La Forme de l’eau, c’est la relation qu’il tisse entre son héroïne et la créature. Le problème, et pas des moindres, c’est que l’on en a… rien à foutre, de leur idylle. Rien de rien. Car cette histoire ne fonctionne pas un seul instant. La créature n’a pas la moindre personnalité (exemple con, E.T. en avait…) : aucun trait de caractère ne ressort de son comportement, aucune excentricité ne lui donne des couleurs, elle est juste innocente, craintive, et potentiellement pleine d’amour, si ce n’est pas beau, tout ça. Sa rencontre avec l’héroïne ne génère par ailleurs aucun moment fort, à l’occasion duquel le spectateur aurait pu se dire « Ah, je comprends POURQUOI ça marche, entre eux ». En gros, zéro alchimie, zéro électricité. Machine lui apporte des œufs en douce, lui, il kiffe, alors elle lui en apporte de nouveaux, magnifique, magnifique… et del Toro croit que ça va suffire au public, tout comme il croit que le handicap de son héroïne nous la rendra automatiquement sympathique, nous la transformer instantanément en Bambi. Certes, c’est difficile, de faire naître une alchimie entre un acteur et une créature de pixels qui a sans doute été représentée par une balle de tennis sur le tournage… mais ça a été déjà fait. Par des gens visiblement plus talentueux. Comme Peter Jackson sur son King Kong plus de dix ans plus tôt, par exemple. En d’autres termes, si l’héroïne avait saut… euh, sauvé des bébés phoques à la place du poisson humanoïde, ça n’aurait pas été bien moins compliqué.
(Remarque : on insiste à ne pas le qualifier de mammifère puisque les mammifères ont besoin d’air.)
C’est con, ou bien c’est con ?
Les arguments esthétiques du film, quoique loin d’être aussi prodigieux que la presse le chouine, le savoir-faire technique établi de del Toro, l’aspect relativement luxueux de la forme, et l’atmosphère de mystère qui imprègne le film dans son premier acte, créent au début l’illusion, tant que le plantage n’est pas patent… hélas, il le devient très vite, tant la crétinerie de son point de départ parasite le plaisir de cinéphile qu’aurait pu procurer le spectacle. Jugez-en par vous-mêmes : La Forme de l’eau nous narre la rencontre d’une femme de ménage et d’une créature amphibienne top-secrète dans un laboratoire top-secret où, étrangement, TOUT employé peut circuler à sa guise, même au plus bas de l’échelle, sans supervision, comme s’il faisait ses courses dans un centre commercial. Ça vous fait tiquer, hein ? Mais si. Et c’est répété, dans les résumés, hein. « Un laboratoire gouvernemental ultrasecret ». Gouvernemental. Ultrasecret. Dans lequel l’armée a enfermé une créature humanoïde sous-marine et douée d’intelligence, sans doute une des plus grandes découvertes scientifiques de l’histoire, aux implications potentiellement gigantesques. Laissée dans une bassine. Sans employé présent 24h sur 24 pour la surveiller, ni soldats armés à l’entrée de la pièce, alors qu’elle a littéralement bouffé la main de leur supérieur, ni… caméra. Que dire ? On est quand même dans un FILM, là. Donc juste non. Même en tant que conte, non. Ce que del Toro nous raconte est trop gros pour passer. Il faudrait éteindre son cerveau, l’éteindre POUR DE BON, cette fois-ci. Ce qui poserait un AUTRE problème, non moindre, puisque La Forme de l’eau n’est PAS Charlie’s Angels, ce n’est pas une farce, c’est, au contraire, un film très-très-très sérieux.
C’est le truc, avec Guillermo del Toro : il est toujours sérieux, même quand il est censé divertir, avec ses Hellboy, par exemple. Il y a dix ans, on aurait volontiers joué le jeu. Avec ses premiers films, il s’était imposé en réalisateur doté d’un univers et d’une approche du cinéma aussi forts que personnels (Cronos, L’Échine du diable) ; ses collaborations avec Hollywood n’étaient pas toujours fructueuses (cf. Mimic), mais Blade II était toujours plus intéressant que le premier opus, et il ferait oublier l’inégal Hellboy avec son très riche Hellboy II ; enfin, il avait fait don au monde du Labyrinthe de Pan, qui restera probablement SON magnum opus, vu le tour que prennent les choses : les quinze années séparant 1993 de 2008 n’auront pas été mauvaises pour ce cher Guillermo… puis cinq ans ont passé, sans qu’il ne réalise rien, avant qu’il ne nous revienne avec Pacific Rim, sorte de Neon Genesis Evangelion doté d’un scénario à faire passer celui de Top Gun pour du Tolstoï. Et il a continué, en réalisant deux ans plus tard Crimson Peak, bijou esthétique que ses fans attendaient comme son retour pour-de-bon mais qui s’est révélé à peine plus fascinant que le précédent. Un peu comme si Guillermo n’avait plus rien à raconter. Puis vint 2018. La Forme de l’eau. Un film très-très-très sérieux.
Et attention, rempli de perles du même calibre que celle soulevée dans le paragraphe précédent, hein. Eût le scénario été écrit par un étudiant en première année de cinéma aussi enflammé qu’acnéique, et surtout sans piston aucun, le monde lui aurait ri au nez. [Spoiler alert !] Exemple 1. Une fois la créature sauvée par les gentils, ces derniers décident de la planquer chez l’héroïne plutôt que de la conduire directement au port pour la renvoyer à son élément… ce qu’ils ne manqueront pas de faire, mais à la fin, après avoir laissé le film se passer, hop. Exemple 2. À un moment, la créature s’échappe de chez l’héroïne, perturbée, déboussolée. Cette dernière craint le pire. Mais elle la retrouve cinq minutes plus tard… au cinéma d’en bas, l’air de rien, sans que personne ne l’ait remarquée. Exemple 3. À la fin, le méchant leur met la main dessus, en pleine nuit, sur la base d’une info super-vague, comme si le port faisait dix mètres carrés, montre en main. Et ça continue, encore et encore. Les dialogues sont généralement mauvais. La chose saute plus particulièrement aux yeux lorsque le général Hoyt (interprété par l’excellent Nick Searcy, de la série Justified), en réponse au Dr Hoffstetler qui le supplie de ne pas tuer la créature, lui répond quelque chose du genre de : « Ouais mais gars, tu vois, ces étoiles, là, sur mon uniforme ? C’est moi l’chef, alors tu ferme ta gueule ». Sérieusement ? Sérieusement. Mais au fond, ça cadre avec le manichéisme éreintant du scénario : pas un seul personnage n’y échappera. L’héroïne a beau être, dans les faits, une chieuse un peu ingrate (cf. son attitude vis-à-vis de sa meilleure amie) prenant son handicap pour un permis de ne penser qu’à sa gueule, del Toro tient absolument à la faire passer pour un parangon d’altruisme héroïque. Son voisin homo comme sa meilleure amie peuvent se résumer à leur gentillesse et leur bon cœur, sans qu’un cheveu ne dépasse. Côté méchant, une fois passés des débuts un chouïa prometteurs (on pense notamment à la scène des toilettes), l’agent Strickland se révèle une ordure monodimensionnelle dénuée de la moindre qualité rédemptrice, un des plus mauvais antagonistes qu’Hollywood nous a proposés de mémoire récente, et un atroce gaspillage d’énergie pour Michael Shannon : prenez son personnage déjà un peu bourrin de Boardwalk Empire, secouez bien, retirez-lui mille litres de nuance, et c’est prêt. Un méchant peut en dire long sur la qualité d’une histoire : à ce rayon, comme au jeu des nuances, La Forme de l’eau se tape un zéro pointé. Le capitaine Vidal du Labyrinthe de Pan n’était pas non plus un monument de subtilité, mais il était sauvé par quelques ingrédients fondamentaux : d’abord, un film de meilleure qualité (ça aide), ensuite, une performance de Sergi Lopez moins absurdement cartoonesque que celle de Michael Shannon, pour finir, des caractéristiques lui donnant chair, comme son obsession pour les horloges et son désir d’avoir une progéniture. Or Strickland, lui, n’a rien, tout juste sa caricature de facho, dont la famille bien bourgeoise et bien blanche a des airs de fantasme d’anticapitaliste postcolonial, avec son épouse-zombie terrifiée et ses enfants privilégiés à la ramasse. C’est le Coyote de Road Runner, l’humour en moins, la psychose en plus. À croire que le film s’adresse exclusivement aux adulescents dépressifs.
La Forme de l’eau est un film aussi prétentieux qu’idiot, et le mélange de ces deux ingrédients toxiques donne la PIRE forme de médiocrité. En grosse quantité. Emprunts esthétiques et scénaristiques divers dénués d’originalité, propos neuneu se prenant au sérieux, pics de grandiloquence sur un matériau dramatique en toc, rôles plus oscarisables que les performances (en dehors de Sally Hawkins, au demeurant très juste, c’est assez standard), tout est là. Del Toro sombre même dans la beauferie un peu gênante avec une scène de comédie musicale onirique en noir et blanc, grand moment de poésie de caniveau qui donnera hélas à certains l’impression d’effleurer les cimes des doigts (sic). De la même manière, pour faire un hommage de qualité au septième art, un qui ne donne pas l’impression d’avoir déjà été fait mille fois par le passé, il faut un peu plus qu’une héroïne vivant au-dessus d’un vieux cinéma de quartier et deux-trois passages de classiques tirés à la volée. Désolé.
Touche pas à ma lotte
Mais ce qui fait de ce mauvais film une MERDE, mais oui, rien à foutre, à tel point que même les très belles images du chef opérateur Dan Laustsen (Crimson Peak, John Wick 2, et Le Pacte des loups !) ne peuvent sauver les meubles, oui, ce qui lui vaut l’ignominieuse note de 2/10, soit autant que l’infâmeux 50 Nuances plus claires, c’est… sans surprise, le matraquage idéologique permanent qu’il fait subir au spectateur, l’eau salée de sa créature se mélangeant à une soupe moralisatrice dégueulasse. Reprenons le florilège de l’entrée en matière : entre a) l’héroïne sourde (minorité trop souvent négligée, ka-ching !), b) le vieux voisin homosexuel au grand cœur (ka-ching !!), c) la meilleure amie noire ET en surpoids (euh, double-ka-ching ?), d) le grand méchant militaire, blanc, et père de famille nucléaire (dénonciation du patriarcat, le véritable monstre du film, ka-ching multiplié par l’infini !!!), par ailleurs TELLEMENT méchant que le film se sent obligé d’en faire par-dessus le marché un raciste ET un détraqué sexuel histoire d’être bien subtil, et e) le jeune et beau barman du diner qui, aussitôt après avoir repoussé les gentilles avances du vieil homo énamouré (parce qu’avec La Forme de l’eau, on nage dans le misérabilisme H24), se révèle être lui aussi un affreux raciste en refusant l’entrée à de potentiels clients de couleur (vous pouvez reprendre votre souffle), la dénonciation de l’intolérance et l’ode à la différence tutoient ici les sommets du pulsionnel, de l’irrationnel, et de l’incontrôlable. Le florilège aurait pu se finir sur un « quintuple-combo ! » tant il donne l’impression de lire un flyer de conférence sur l’intersectionnalité organisée par une association LGBTIANNSCPTTM (Lesbiennes, Gays, Bis, Trans, Intersexes, Asexuels, Noirs, Nains qui savent peindre, Sourds, Communistes, Poissons, et Tout le reste, Tant que c’est Minoritaire). Et si le film s’adresse principalement aux enfants, eh bien, voilà qui le rend carrément malfaisant.
Tout cela était-il bien nécessaire, dans un film narrant l’histoire d’amour déjà BIEN marginale entre une sourde et un poisson humanoïde ? Le message avait-il besoin de ça pour passer ? Bien que La Forme de l’eau ait parfaitement le droit d’avoir pour sujet ces êtres vivant à la marge, l’esprit sain, familier des notions capitales de nuance et de mesure, aurait tendance à répondre que non.
« Finding Nemo » ? C’est TROP 2003, ça bro ! « FUCKING Nemo » !
Seulement, La Forme de l’eau, en plus d’être con stricto sensu, a également une case en moins. La névrose apparaît assez tôt dans le film, mais pour donner envie au public d’appeler la police, il faut attendre la décision ubuesque, prise par de del Toro et sa coscénariste, de faire baiser leur deux protagonistes : la femme sourde et la créature. La FEMME… et l’espèce de poisson humanoïde. Même pas un putain de mammifère, donc, oui, il faut insister là-dessus. Et oui, baiser, c’est le terme. Et fièrement, hein. Au point de nous pondre toute une scène où l’héroïne décrit la forme du chibre de son amoureux à sa collègue forcément surexcitée (voir deuxième photo ci-dessus), comme si c’était PARFAITEMENT NORMAL, parce que n’oubliez pas : la normalité… n’existe pas. On nage dans le rêve humide d’antispéciste qui aurait franchi le Rubicon, en gros, basculé dans la 4ème dimension de ses rêves où la zoophilie ne fait pas tâche. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et à en juger par la complaisance dont MÊME ce choix scénaristique bénéficie auprès de la meute de Pikachus dégénérés canonisant le film, tout spectateur manifestant ne serait-ce qu’un soupçon d’accablement passera pour l’affreux réac de l’assistance, celui à qui l’on chouine « qu’est-ce que ça change à ta vie, d’abord ?! ». Parce que n’oubliez pas, les enfants, si votre cœur n’est pas assez grand pour inclure la zoophilie, c’est que vous avez PEUR du progrès, ce qui est absurde, car le progrès ne peut QU’ÊTRE bon (pas vrai ?). C’est que vous n’êtes pas assez inclusifs. C’est que… ben, vous ressemblez un peu au méchant facho du film, en fait. Brrrr.
Certaines personnes pourtant rationnelles et de bon goût trouvent des circonstances atténuantes à ce choix scénaristique proprement ahurissant. « C’était écrit, voyons ! Au début du film, Machine se doigte dans sa baignoire… ce qui veut dire qu’elle aime l’eau, effectivement, encore cet irrésistible art de la nuance ! Elle n’a personne dans sa vie… ni d’une, ni de deux ! Non ? Ah. Bon, d’accord… alors, un autre truc : c’est une histoire D’AMOUR ! L’amour, quoi ! Euh… non plus ? » Non plus. Contre-exemple. Ce qui relie le jeune Elliott à E.T. à la fin du fabuleux E.T., L’Extra-terrestre de Steven Spielberg PEUT être qualifié d’histoire d’amour… pourtant, à aucun moment E.T. ne se tape Elliott sur la commode – à moins qu’onc’ Spielberg ne table sur une FRANCHE dégradation des mœurs pour ajouter une scène de ce genre à l’occasion du cinquantième anniversaire de son film, allez savoir, mais j’en doute. Si l’amour requérait la baise, quid de l’amour filial ? De l’amour entre frères ? Des amitiés qui valent mille idylles ? Et dans La Belle et la bête, auquel on compare souvent La Forme de l’eau, d’une, la bête est à la base un homme, et de deux, c’est une larme de Belle qui la ramène à sa forme humaine de bôgosse, pas une baise sauvage sur le lit à baldaquins, ni même un bisou ! Parce que… nous n’étions pas en 2018, au risque de paraître décliniste. La créature de La Forme de l’eau n’est pas humaine. L’héroïne est humaine. L’héroïne humaine baise une créature qui n’est pas humaine, inhumaine au point d’avoir bouffé la tête d’un putain de chat quelques scènes plus tôt. La différence entre ça et sauter un chimpanzé est dérisoire. Si del Toro avait écrit la nouvelle saga de la Planète des singes, il aurait peut-être fait coucher César avec Keri Russell dans le deuxième volet (on aurait été content pour Andy Serkis, remarquez), et là, allez savoir comment les gens auraient réagi ? Peut-être pas avec autant d’apathie bienveillante. On pourra tourner mille ans autour du pot et essayer mille fois de faire passer des vessies pour des lanternes, le fait demeurera que notre cher Mexicain sur le déclin a promu la zoophilie dans un film, et que des gens lui ont refilé un Oscar pour ça.
On vous l’a dit : sérieux.
Mais pas si vite, les zoziaux. Le présent film étant du Guillermo del Toro, entre deux sucreries capables d’abattre un hypoglycémique, vous aurez droit à deux-trois éclats de violence graphique bien gore qui, ajoutés à la scène de masturbation (et à bien d’autres scènes de nu pas particulièrement nécessaires, considérant l’actrice), tenteront de faire passer La Forme de l’eau pour un vrai film d’adultes, un truc bien radical, bien ouf’, parfois méchant, même, un à qui on ne la fait pas, non, Monsieur. Seulement, autant ça marchait dans Le Labyrinthe de Pan, autant ça se viande lamentablement cette année, parce qu’une recette en théorie excellente ne peut rien donner de bon quand les ingrédients sont dégueulasses.
Tout bien réfléchi, la politique est, en plus de l’originalité (les gens apprenant à idolâtrer le « différent »), la meilleure explication à la psychose collective qui s’est emparée d’une portion substantielle et branchée de la population. Les critiques positives pullulent d’exaltation de la tolérance et de la diversité, ainsi que de parallèles idiots avec le paysage politique actuel. C’est pourquoi… s’il-vous-plait, spectateurs qui avez vu le film et en êtes sortis aussi sidérés que l’auteur de ces lignes, n’ayez pas peur d’aborder ce sujet au resto. Ça ne fera pas de vous un stéréotype de vieux con polluant tout avec sa politique. Il n’y a rien de plus exaspérant que les sermonneurs bon teint reprochant à quelqu’un de voir de la politique partout quand lui-même en met partout…
Allez, on en a assez dit. La Forme de l’eau n’est rien de moins qu’un désastre, un pudding en plastique grave comme un cancer des testicules et poétique comme un collégien en chaleur, à l’esthétique recyclée et aux sentiments prémâchés, policé et neuneu, réservé aux hyperémotifs, hyperromantiques, et autre fragiles de l’auditoire, et la célébration dont il fait l’objet, tout comme les quatre oscars qu’il a remportés (il devrait être interdit de cumuler à la fois celui du meilleur film et celui du meilleur réalisateur…), sont une injure au bon sens et au bon goût. Autant y aller cash : c’est une des supercheries de son année.
Pour finir, quelques captures d’écran sympas en guise d’hommage au travail formel du film, malgré tout :