A Most Violent Year
Thriller tendu comme une corde au cou, drame anti-spectaculaire à infusion aussi lente qu’excitante, radioscopie presque contemplative de l’échec moral du capitalisme libéral, pur plaisir des yeux pour plusieurs raisons qui se valent, porté par deux performances d’acteurs au sommet de leur art : A Most Violent Year (1), ou l’élégance incarnée. Une élégance, une retenue, et une vision du monde qui n’étonneront pas quiconque est familier de Margin Call, chef-d’œuvre traitant d’un sujet proche et premier long métrage de J.C. Chandor, dont le présent film est le troisième. Oui, le gars est rapide.
« Anti-spectaculaire ». Il est important d’insister sur ce terme pour épargner une douloureuse perte de temps au lecteur qui s’attendrait à un déluge scorsesien d’exactions à la pétoire sur fond de vieux tubes rock. Dans AMVY (pour les intimes), vous n’aurez pas d’étranglement sanglant à la corde à piano, ni de Cadillac piégée, ni de fusillades dans une boite de nuit noire de monde, ni de tête de cheval sous des draps de soie, pour emprunter à un voisin. En fait, AMVY est un ANTI-film de gangster. Il navigue certes dans ses eaux puisqu’on y côtoie patronat, pègre, et syndicats dans une atmosphère généralement pas super bon enfant, et il en comprend quelques figures, mais ne s’autorisera qu’un seul dérapage contrôlé dans le spectaculaire, gourmandise méritée, et se limitera essentiellement à la réalité la moins spectaculaire de cet univers : celle de l’entrepreneur qui se veut réglo dans une société supposée fonctionner, pour mieux échouer au bout du chemin. La réalité d’hommes de bonne volonté dont les rêves de réussite ne contiennent ni pétoire, ni call-girls, mais que leur faiblesse, j’ai nommé leur ambition, rend vulnérables et prêts à d’insidieuses concessions pour atteindre leurs objectifs – un peu comme les employés de Margin Call. AMVY, c’est la face cachée du culte américain du self-made-man. Et donc du capitalisme libéral susmentionné, sur lequel J.C. Chandor pose un regard toujours aussi précis, perçant, et âpre.
(Ci-dessous, Anna Morales disant au spectateur que ce flingue ne tirera pas une seule balle.)
New York, New York ?
Le New York de 1981 est une autre fausse piste : cadre du titre et de l’action d’AMVY, il évoque inévitablement au cinéphile des films comme les King of New York et Bad Lieutenant d’Abel Ferrara (bien que situés quelques années plus tard), et dans une moindre mesure l’American Gangster de Ridley Scott… alors qu’en fin de compte, on ne verra quasiment rien de la si photogénique « NYC », de l’île de Manhattan et de ses environs loubards, le Queens, le Bronx, Harlem, and all that jazz.
Ni boum-boum, ni New York, New York : certains se sentiront floués. N’était-on pas en droit d’espérer voir le sang couler ? N’était-on pas en droit d’attendre autant de cette année 1981, alors la plus violente d’une ville en proie à une montée du chômage et de la criminalité sans précédents dans son histoire (la ville connaitrait par la suite des années encore pires jusqu’au début des années 90 avec l’épidémie de crack) ? La Mecque mondiale des affaires ironiquement à deux doigts du dépôt de bilan, où les services publics peinaient à assurer le minimum syndical et où les flics n’intervenaient que là où ça rapportait ? Ce New York dont on comprend sans mal qu’il ait été choisi pour décor de New York 1997 ? Peut-être l’était-on, en droit de. Mais la violence s’exprime de bien des façons. Et NYC n’est pas un caillou, mais une planète. Et les parties de cette inquiétante planète que filme AMVY sont davantage ses zones industrielles et portuaires, quand il ne se repose pas dans la banlieue pavillonnaire friquée où vivent les protagonistes. Pour finir, de l’année 1981, on ne verra, de toute façon, qu’un seul petit mois, le temps de l’action – une pensée émue pour la bande-annonce qui en faisait des tonnes en enchaînant à toute vitesse les mois de l’année comme si ça avait un rapport avec le kamoulox…
Un critique a qualifié le film de « western urbain » ; dans ce cas-là, beaucoup de drames en sont. Franchement, non. Alors, un dernier avertissement, amis aspirant à du boum-boum et du New York, New York : vous aurez l’inverse de ce que vous cherchez.
Affaires internes
Voilà ce qu’est plutôt AMVY : la plus mauvaise passe d’un type bien habillé qui essaie d’en sortir en négociant du mieux qu’il peut dans une succession d’intérieurs plus ou moins mal éclairés. Mauvaise passe qui fonctionnerait en pièce de théâtre, limite. Quelques jours tendus dans la vie d’un immigré entrepreneur plein d’ambition, Abel Morales (Oscar Isaac), cherchant à conclure le deal de sa carrière – force interminables séances de blabla rappelant combien être businessman exige autant de répartie que le métier d’avocat ou celui de politicien –, non pas pour l’ivresse du pouvoir, non pas parce que « The world is yours », mais simplement pour maintenir le standing de vie auquel il a habitué sa petite famille. Exactement, voilà ce qu’est le film, « simplement » ça. Et à l’exception de la montée d’adrénaline que j’ai évoquée plus haut, le film ne perd quasiment jamais son sang-froid, parce que la violence qu’il montre est un AUTRE type de violence : celle, sauvage, du monde hautement corruptible des affaires dans l’Amérique de Reagan. Une violence moins notable que les règlements de compte mafieux défrayant la chronique ou que celle du tueur en série dont la radio relate les méfaits tout au long du film, mais, dans ses conséquences, autrement plus dévastatrice.
De la survie de l’intégrité en milieu hostile
À ce stade, le pop-corneur pas encore totalement résigné peut se dire « ouaaaiiiiis, dévastatrice ! » Oui, mais là aussi, non. Le truc, c’est que J.C. Chandor ne s’intéresse PAS auxdites conséquences sociétales d’un tel système, ni même aux torrents de sang local que génère intrinsèquement ce dernier. On n’est pas chez Michael Moore. En certains endroits, AMVY rappellera bien la série culte de David Simon The Wire, par sa critique de l’échec moral du capitalisme libérale, par la complexité insoluble de la technocratie qu’il dépeint (pas exactement ce à quoi est censé conduire le libéralisme, mais les faits sont les faits), et par le refus de ses personnages d’entrer dans des cases (le « We’re not who you think we are » d’Anna Morales, l’épouse d’Abel), mais contrairement à The Wire, le présent film ne s’aventurera jamais trop loin dans le salissant. Il s’arrêtera généralement à la porte. Parce qu’il ne veut pas voir. Parce qu’il est son protagoniste Abel, et qu’Abel ne veut pas voir. Parce qu’il n’a pas signé pour ça. Ce pour quoi il a signé, c’est le New York de Manhattan, celui dans lequel la caméra ne s’aventurera pas MAIS dont on apercevra à plusieurs reprises l’imposant et prometteur horizon, à la fois si loin et si proche, et qu’Abel compte bien atteindre un jour, en ligne droite, sans sortir des clous, par les seules forces combinées de son intelligence tactique, de sa volonté, et de son charisme (dommage que le scénario le fasse dire au personnage d’Anna, vers la fin, car ça n’avait nullement besoin d’être explicité, mais bon).
Avec AMVY, nous sommes donc dans l’intimité d’un homme trop occupé à identifier la chose JUSTE à faire pour contempler un tableau d’ensemble tout, sauf juste. L’identité et le rythme du film opèrent une fusion parfaite avec ceux d’Abel, homme intègre aspirant au meilleur du rêve américain et pris dans une lutte de tous les instants contre son pendant sombre, son backstage pourri jusqu’à l’os à moelle. La relative lenteur de la narration et le refus du pompiérisme qui caractérise la forme du film accompagnent parfaitement le self-control du personnage, persuadé de pouvoir régler TOUS les problèmes du monde en discutant, rationnellement, au mépris des réalités pressantes, croyant le monde aussi raisonnable que lui. Self-control dont il doit abuser tout au long du film pour ne pas perdre pied, mais aussi pour protéger son bien le plus précieux après sa famille : son intégrité.
AMVY est un grand film sur l’intégrité et sur la fidélité à nos principes, seuls remparts contre la corruption, seuls remparts contre notre dégringolade dans la barbarie, et ce qui l’empêchera de basculer dans l’univers des Affranchis. Cette lutte peut être vue comme la ligne de force de la dramaturgie sophistiquée du film. On peut ne voir dans l’objectif du protagoniste, qui est de réunir suffisamment de fonds pour s’approprier une raffinerie, rien de plus qu’un vulgaire McGuffin : tout ce qui compte, c’est le spectacle presque intimiste d’un parfait petit capitaliste aux prises avec la contrepartie d’un système qu’il embrasse comme un idéal depuis sa jeunesse, face à la menace de sa précieuse intégrité. AMVY n’est pourtant pas vraiment un film à charge contre ce système : il le montre juste tel qu’il est, et nous laisse nous faire notre opinion, tous seuls, comme des grands. Il nous laisse nous demander, pour paraphraser Buddy Ackerman dans Swimming with Sharks, ce qu’on « veut vraiment ». Dans une société comme celle où vit Abel, nulle question n’est plus importante que celle-ci. Abel SAIT ce qu’il veut. Le problème est que contrairement au producteur joué par Kevin Spacey, lui, a des principes. Et c’est là que s’affiche l’erreur 404. L’éternel fossé qui sépare les aspirations individuelles de la réalité collective donne en fin de compte au film une couleur fataliste. D’ailleurs, [spoiler jusqu’à la fin du paragraphe alert !] alors qu’AMVY se clôt sur le succès technique d’Abel, son supposé triomphe, sa photographie conserve jusqu’au dernier instant ses teintes crépusculaires, comme pour rappeler le prix qu’Abel a dû payer : s’inféoder à la pègre… en d’autres termes, vendre son âme. Le crépuscule, c’est celui de son intégrité, et il finira tôt ou tard par muer en nuit. J.C. Chandor ne juge pas, mais il suggère assez violemment.
« We’re not nice people to borrow three quarter of a million dollars from. » (Peter Forente)
Musique de chambre un peu stressée
AMVY est donc un thriller à infusion lente qui ne se laissera jamais vraiment déraper, rappelant également, de cette façon, le Michael Clayton de Tony Gilroy. Ce fait peut rebuter une partie du public précité. Le film ne proposera pas de véritable climax, ni dans la brillante course-poursuite en voiture qui survient dans le dernier acte, moment où Abel s’énerve un peu mais qui ne fait pas PLUS avancer l’intrigue que d’autres moments forts, [spoiler d’une ligne alert !] ni dans le suicide du pauvre Julian, dont le geste et son positionnement dans le film crient pourtant « climaaaaaaaax !!!!!! », mais qui s’exécute lui aussi dans une retenue déconcertante. Le défenseur d’AMVY pourra alors arguer que le film entier est un climax en sourdine, mais ce serait céder à la masturbation intellectuelle, et ce ne serait pas sympa. Le simple fait est que le scénario de Chandor ne s’embarrasse pas vraiment d’un crescendo dramatique. Le cinéaste n’a pas fait du Wagner, mais plutôt du Bach : l’intensité se trouve dans la méticulosité et dans le détail. [Spoiler alert !] Reconnaissons néanmoins la sacrée gueule de ce gros plan d’Abel contemplant le cadavre de son employé qui vient de se flinguer pour cause de rêve américain, avec, en arrière-plan, un de ses réservoirs de fuel maculé d’éclaboussures de sang et de ce précieux liquide noir fuyant par le trou de la balle. On a vu symbolisme plus subtil, mais on a aussi connu moins puissant.
Puisqu’on parle de précision, il faut dire quelques mots sur la performance d’Oscar Isaac, qui a ébloui son monde un peu plus tôt dans l’année avec le Inside Llewyn Davis des frères Coen. Performance hautement oscarisable d’Oscar (ho ho ho), comme suggéré dans le chapô de cette critique. L’acteur est tout bonnement phénoménal dans ce rôle d’homme vertueux cherchant, en toute humilité malgré son ambition dévorante, à correspondre à l’idéal moral qu’il s’est fixé. Il le cherche comme un hamster patine dans sa roue, et Isaac rend ça assez génial à voir. Pas génial de temps en temps, hein, non, tout le temps. Dans chaque scène. Avec lui, le self-control devient l’effet spécial du film, celui qui écarquille mirettes. Le martyr de son intégrité bout dans les veines bien planquées du film. C’est bien simple : dans ce répertoire, on n’avait pas vu aussi brillant depuis un bail, l’acteur conférant à un rôle déjà excellemment brossé une intensité proche de celle qu’Al Pacino donna jadis à Michael Corleone. De fait, chaque (mini-)succès du personnage est réjouissant, même lorsque la chose se résume à deux lignes de dialogues et une poignée de mains souriante.
Rouquine McBeth is in da house
De son côté, Jessica Chastain, la malickienne rouquine ici d’une blondeur effrontée, continue son ascension vers les étoiles avec son interprétation d’Anna Morales, elle aussi brillante, à mi-chemin entre la Jacki Weaver d’Animal Kingdom et la Laura Linney de Mystic River. Une intéressante Lady McBeth, parfois un peu puérile et capricieuse car on sent l’ex-fille à papa, mais également tenace et pleine de ressort. L’actrice la compare plutôt à Dick Cheney (!), et on a envie de dire « pourquoi pas ? », bien que Cheney ait très peu de chances de finir fou contrairement à Lady McBeth… dans tous les cas, Chastain tient là un personnage incroyablement solide comme elle sait les camper, à mille lieues de celui joué par Amy Adams dans le bordélique American Hustle, auquel les gens l’ont comparé un peu facilement, peut-être en raison des décolletés d’époque qu’arborent les deux actrices dans leurs films respectifs.
On regrette simplement de ne pas la voir davantage, et surtout de ne pas LES voir davantage ensemble, Isaac et Chastain ayant une alchimie extraordinaire, explicable en partie par le fait qu’ils se connaissent depuis Juilliard, et parlant de fait le même langage. Ensemble, ils forment un duo d’une classe folle au sex-appeal spectaculaire, si bien qu’on regrette presque l’absence de scène de sexe – tout en comprenant que Chandor ne pouvait pas y céder, AMVY se plaçant au-dessus de ce genre de choses bassement lubriques. Et leurs personnages, quant à eux, forment un des couples les plus charismatiques et authentiques qui ont récemment Sillonné les Sentiers Sinueux du genre (« it’s OUR money »). Sans leur présence, on aurait peut-être rencontré quelques difficultés à embrasser pleinement l’aridité (relative) du film. En tout cas, les meilleures scènes se jouent entre eux deux (voir celle du cerf blessé, par exemple), déjà portées par la capacité du cinéaste à humaniser ses personnages, en grand directeur d’acteurs comme l’était une de ses influences, Sidney Lumet.
Sec, mais précieux
AMVY n’est pour autant pas de ces films trop cérébraux où l’obsession du fond finit par engloutir la forme débandante. Nulle épure soviétique, ici : le film de Chandor est un régal pour les yeux. J’ai cité plus haut les teintes crépusculaires de la photographie du jeune Bradford Young, qui a sauvé, deux ans plus tôt, l’un peu mou du genou Les Amants du Texas (Ain’t them bodies saints) de David Lowery. Combinée au travail raffiné du chef décorateur J.P. Goldsmith, elle baigne le film dans l’atmosphère fascinante d’un monde qui se trouverait coincé quelque part entre la modernité archaïque des années 70 et un « wasteland » urbain de fin du monde, tantôt froide, tantôt chaude (avec ses teintes orangées), souvent faiblement exposée, parfois sombre au point de rappeler l’éclairage naturel de Barry Lyndon, donnant même par moment l’impression de voir un vieux Sidney Lumet. Le résultat est d’autant plus impressionnant qu’AMVY a été filmé avec une caméra digitale. Alors la chose a forcément ses limites : on aurait souhaité un peu de cette troublante profondeur et de ce grain qui assoient encore aujourd’hui la suprématie du support pellicule… mais Chandor n’a apparemment pas voulu aller aussi loin dans la reconstitution des années 80 (à moins qu’il n’ait simplement pas pu pour des raisons logistiques), et il est recommandé d’apprécier l’objet tel qu’il a été pensé : canon, façon aujourd’hui.
Dans le concert d’éloges, louons aussi la bande originale, signée par le talentueux et inclassable Alex Ebert (que ce soit en solo, cf. son superbe album Alexander, ou en collectif, cf. son groupe Edward Sharpe & The Magnetic Zeros). Sobre et atmosphérique, porteuse ci et là d’hommages aux anciens films noirs, utilisant souvent les orgues pour accroitre cette impression de menace planant sur nos protagonistes, elle est à la hauteur de la réalisation : on y ressent la même toute-puissance tranquille de la fatalité.
Suprême qualité du fond comme de la forme : c’est grâce à son refus de céder aux sirènes du genre et à l’esthétique très soignée de son film que J.C. Chandor parvient à dépasser les références qui planent, elles aussi menaçantes, au-dessus de son film, de Sidney Pollack à William Friedkin en passant par Coppola, pour ne citer qu’eux. AMVY a son identité propre, une identité qui envoie valdinguer la concurrence et se permet simplement de rappeler, avec pertinence et une prestance irrésistible, les cinémas de ces grands.
Que du beau monde
AMVY évoque dans toute sa longueur deux chef-d’œuvre du « crime drama » : Mystic River, de Clint Eastwood, et La Nuit nous appartient, de James Gray – son décor industriel morose fait également penser à un autre film de Gray, The Yards. Mystic River pour plusieurs raisons : d’abord, la proximité susmentionnée entre Anna Morales et Annabeth Markum, jouée par Laura Linney ; ensuite, la scène où Anna dit à Abel qu’elle le présente à leurs filles comme une figure indestructible et leur seule ligne de défense renvoie presque texto à celle, classique, de Mystic River où Annabeth explique à son mari Jimmy qu’il est « le roi », et qu’on « ne remet pas en question les actes d’un roi » ; enfin, la bande originale d’Ebert rappelle par son minimalisme celle d’Eastwood. La Nuit nous appartient pour plusieurs raisons également : d’abord, la course-poursuite en voiture d’A Most Violent Year rappelle celle somptueuse du film de Gray, par sa mise en scène, qui fait vivre l’expérience au spectateur (2), mais aussi par sa place dans le récit ; ensuite, leurs univers ont beaucoup de choses en commun, à commencer par le New York des années 80 (1988 étant alors l’année la plus sombre de la ville en matière d’homicides…), le decorum déglingué (voir l’intérieur du métro tagué), et le sentiment que la civilisation n’a pas encore totalement investi les lieux, ou que l’État a perdu leur contrôle (tout ce qui se passe impunément dans le métro, justement, vers la fin). Pas les pires références.
Et puisqu’on parle de James Gray, AMVY est un des rares polars américains récents à approcher la qualité des films de ce cinéaste au règne rarement contesté dans un cinéma américain en panne de nouveaux grands noms du néoclassicisme.
Un nouveau classique
Pour tout dire, le film de J.C. Chandor est tellement riche que la présente critique n’a pas encore trouvé la place de mentionner une myriade de ses qualités. On pense à Albert Brooks, décidément imposant en second couteau, et comme là pour faire le pont avec Drive. On pense au personnage du procureur aux dents longues impeccablement joué par David Oyelowo, et à sa dernière apparition, où toute l’obscurité de l’horizon se manifeste à travers lui. On pense à l’étrangeté des séquences chez l’inquiétant magnat joué par Alessandro Nivola, et à sa curieuse obsession pour le tennis. [Spoiler de quatre lignes alert !] On pense aussi à l’épatante scène de braquage de fourgon raté en plein milieu d’une autoroute, où le conducteur finit par détaler avec ses agresseurs en herbe quand les flics leur courent après, puisqu’il est presque aussi louche qu’eux…
Que les critiques blasés qui chouinent s’être emmerdés devant le film aillent se faire cuire un œuf d’autruche : A Most Violent Year, c’est du grand standing, du Waldorf Astoria cinématographique. C’est aussi la confirmation, après une flopée d’excellents films en une grande année (The Spectacular Now, Enemy, Under The Skin, The Rover, Laggies, celui-ci…!), que la toute jeune société de production A24 a un bel avenir devant elle. Un peu comme J.C. Chandor, dont on attend le prochain film avec une impatience de cinéphile raisonnable.
Notes
(1) Pour une fois qu’un titre anglais, pas forcément super-simple à prononcer pour le commun des spectateurs mortels, aurait gagné à être traduit, là, les gars se sont dits que non. Allez. On s’en fout. On va plutôt sortir des conneries du genre d’« Happiness Therapy ».
(2) Fun fact : la pluie torrentielle qui s’abat sur les voitures durant la course-poursuite a été ajoutée digitalement. En post-production. Vous avez bien compris, il n’a pas plu durant le tournage de la scène. Non mais vous pouvez vérifier, hein. De rien (ou pas).
– Ci-dessous, quelques captures d’écrans sympas en plus, juste parce que. À commencer par ce plan où Abel Morales explique au spectateur que ce flingue-ci non plus, il ne le verra pas tirer une balle.