Critiques

Greenland (+ vlog)

Bah. C’était plutôt pas mal. Ça fait tout bizarre, quand on sort d’un film pareil, de se dire que… bah, c’était plutôt pas mal. Alors que ça devait pas l’être, on est d’accord ? Limite irrationnel. Et l’on est pourtant pas du genre irrationnel, ici. Au contraire, on est plutôt du genre malin. Mais… du coup, ça veut dire que c’était POUR DE BON, VRAIMENT pas mal ? C’est la seule conclusion possible, non ? Bah si. Bon ben voilà qui est posé. À plus, les gars ! (…) Nah je déconne. Alors, voyons voir. Greenland nous conte l’histoire d’une météorite qui va très bientôt s’abattre sur la Terre. Non, ce n’est pas l’histoire personnelle de la météorite. Plutôt celle des Garrity. John, père de famille ordinaire mais héroïque, apprend que lui, sa femme et leur jeune fils diabétique font partie des heureux élus qui auront leur place dans un des superbunkers aménagés par le gouvernement pour que les États-Unis survivent à la catastrophe (pas le monde, hein, les États-Unis). Mais une fois cette option foutue en l’air, ne leur apparait plus qu’un seul salut : des rumeurs de vols emmenant jusque dans un abri situé au fin fond du Groënland. Attendez… c’est pour ça que Donald Trump voulait acheter le Groënland !

Lien vers mon vlog consacré à Greenland

Évacuons le négatif

Au risque d’étonner, votre serviteur voit dans Greenland le meilleur film-catastrophe hollywoodien depuis des lustres, et son préféré, tout court, depuis le norvégien The Wave, sorti en 2016. Il n’a absolument rien de parfait, hein. À ceux qui l’anticipent, les clichés sont là. On a par exemple le coup du protagoniste et de la bientôt ex-épouse qui vont retrouver dans l’épreuve leur flamme originelle, tout droit sorti de San Andreas (en même temps, il faut bien des enjeux dramatiques EN PLUS de celui de la survie, non ?)… on a la zone pavillonnaire classique pour point de départ… on a les nuées d’oiseaux paniquant dans le ciel… etcetera. La structure du récit est convenue : on a d’abord la mise en place et l’objectif du superbunker, ensuite la débâcle dramatique et ses conséquences, ensuite, une fois résolu l’enjeu du deuxième acte, la dernière ligne droite en lien avec le titre, le mégabunker groenlandais. Et… autant évacuer le négatif, toute cette dernière partie ne convainc pas entièrement : il lui manque AU MOINS UNE péripétie, en lien avec un certain fusil et donc un peu de rythme, mais c’est surtout l’épilogue qui est complètement raté, d’abord parce qu’il apporte une information cooooomplètement superflue sur l’état du monde, puisque seul comptait le sort de la famille Garrity, ensuite parce qu’il est petit joueur (« attention, tout va bien, hein, happy end, les gens ! »), ensuite parce qu’il n’est pas du tout crédible d’un point de vue pratique et même scientifique… et, pour finir, parce qu’il est d’une platitude sidérante en termes de mise en scène et de montage.

Je ne sais pas quel est l’acte d’un récit dont le foirage représente le moins de risque (le premier parce que le spectateur doit accrocher dès le départ, le deuxième pour qu’il ne décroche pas et passe à son smartphone, le dernier pour qu’il ne finisse pas sur une mauvaise impression ?), mais les scénaristes auraient dû davantage soigner leur fin. Pour autant, ce dernier acte ne représente pas le dernier tiers mais le dernier QUART du film, ce qui limite les dommages, et ce n’est qu’à l’épilogue qu’on ne pardonnera pas. Faisons donc comme s’il n’existait pas…

L’anti-2012, ou la voie à suivre

Mais tout ce qui précède ce troisième acte d’une demi-heure est une grande réussite, dans le registre. Et pas dans le sens où ça a emballé le pop-corneur bourrin tapi en moi, amateur de divertissements débiles et de plaisirs coupables. Non-non-non. J’ignore si le réalisateur Ric Roman Vaugh s’est cassé de la salle de montage au moment de l’épilogue susmentionné, mais ce que je sais, c’est ce que ce gars, capable du pire (La Chute du président) comme du meilleur (Shot Caller), en passant par le décent Infiltré, a fait ici preuve d’abord d’une intelligence certaine dans son articulation de l’intimiste et du grandiose, ensuite d’une belle maitrise de la tension dans les poussées dramatiques du film… presque aucune n’étant liée directement à une chute de météorite stricto-sensu, étonnamment (ou pas ?).

Ce qui prend de court, avec Greenland, c’est à quel point c’est un anti-2012, ou encore, pour citer un film avec Gerard Butler, un anti-Geostorm (brrrrr)… en gros, un anti-blockbuster catastrophe d’été d’une nullité catastrophique. Or, ce n’était pas gagné… : l’affiche bateau, la star habituée aux séries B, la saison estivale, tout était réuni pour nous faire redouter une sous-boursouflerie roland-emmerichienne, et patatras, ça ne l’est pas.

Parce que Waugh et son scénariste Chris Sparling, à qui l’on doit le malin Buried, ont eu l’intelligence de faire de leur film… un thriller (presque) rivé au plancher des vaches, où l’apocalypse en cours est reléguée au second plan. Des films comme 2012 offrent au spectateur des panoramas de destruction numériquement irréprochables, mais on ne ressent dans sa chair AUCUNE des centaines de milliers de morts que leurs giga-destructions impliquent, que dalle, nana, c’est comme si des pixels avaient cané. C’est vide, factice. Greenland propose quelque chose de proche de l’inverse. Ce n’est plutôt pas mal, compte tendu des les limites du budget, qui expliquent la relative médiocrité de certains effets spéciaux, et justement, à deux-trois scènes spectaculaires près, on s’en fout. Avec Chris Evans devant la caméra et Neil Blomkamp, réalisateur de District 9, derrière, le film aurait sans doute bénéficié d’un budget plus élevé, mais on s’en fout (mention ceci dit à certains plans forts de CGI qui calment, comme celui des nuées d’avions de combat traversant le ciel américain ou celui du ciel en feu). Ce qui captive, avec les histoires de fins du monde, c’est ce qu’en fait la psyché humaine, cf. Melancholia, pour prendre un exemple radical. Greenland est, en fait, un film bien plus proche du sous-estimé The Impossible. On sent passer la dureté des épreuves que traversent les Garrity, famille à laquelle on s’attache aisément, ce qui est plutôt bien car qu’est-ce qu’un film de ce genre sans famille ?

C’est premièrement parce qu’on s’attache aux personnages qu’on accroche si tôt au premier acte, où tous trois et leurs relations sont posés intelligemment, notamment grâce à des dialogues rarement clichés pour changer, laissant au spectateur le loisir d’apprécier la belle montée de tension (citons par exemple l’excellente idée des SMS bien stridents envoyés par le gouvernement aux futurs occupants du superbunker). Tout le morceau dans l’aéroport militaire, culmination du premier acte qu’on sent parfois plus proche du film de zombie qu’autre chose, profite grandement de cette écriture.

On accroche tout autant au second acte, où nous tombe dessus l’enjeu le plus inattendu et mémorable du film, la séparation de la famille, pour ne plus nous lâcher tout du long, bien aidé par les performances dynamiques des acteurs sans lesquelles l’immersion n’aurait simplement pas été. Butler fait du Butler mais efficacement (il cogne, mais avec des sentiments), la toujours mimi Morena se montre par moments bouleversante (si, si), et même le gamin fonctionne, l’acteur ET son personnage, alors que le diabète de ce dernier est ÉVIDEMMENT source de catastrophes : c’est un boulet, et pourtant, ça passe. Je parlais de zombies. Vraiment, il y a quelques moments, j’ai bien dit QUELQUES UNS, qui m’ont rappelé, toute proportion gardée, l’intro traumatisante du premier The Last of Us, dont je ne me suis toujours pas remis. Toute cette partie donne l’occasion d’une peinture assez réussie de la nature humaine en temps de chaos, sujet rabattu mais inépuisable, qui m’a rappelé, EN REPARLANT DE ZOMBIES, The Walking Dead, avec la délicate question de ce que l’homme est prêt à faire de cruel pour défendre les siens. Ce thriller catastrophe a donc une dureté certaine, qui l’éloigne notamment de ses équivalents tout public des années 90, mais ladite peinture est quand même assez équilibrée : à chaque fois que le film menace de basculer dans le « noir c’est noir, l’homme est un gros bâtard », un peu de lumière entre, comme avec les Mexicains qui récupèrent l’épouse, et sans trop de manichéisme.

En bref, amateur du genre, tu l’as compris : avec Greenland, spectacle qui coche la plupart des cases du film catastrophe qu’on est en droit d’attendre et envoie bouler les blasés, le terrain est familier, mais la terre, sacrément ferme, tu peux donc y aller les yeux fermés. À condition de les rouvrir une fois que tu seras devant l’écran, évidemment. Et surtout… sors couvert.

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